Les Âmes errantes
Les Âmes errantes de Cécile Pin
Titre original, Wandering Souls, traduit de l’anglais par Carine Chichereau
Stock, « La cosmopolite », 286 p., 20,90 €, numérique 15 €
Selon les croyances vietnamiennes, les « âmes errantes » sont celles des morts sans sépulture.
Cécile Pin est métisse, née à Paris en 1996, de père français et de mère vietnamienne. Elle vit à Paris puis New York jusqu’à ses dix-huit ans et s’installe en Grande-Bretagne pour y faire des études de philosophie.
C’est pendant les périodes de confinement de 2020 et 2021 qu’elle cherche à creuser ses origines vietnamiennes, à comprendre l’itinéraire de sa mère qu’elle ne connaissait que de façon parcellaire.
Cette dernière a quitté le Vietnam en 1978, après la chute de Saïgon, comme des centaines de milliers de « boat people » et vit aujourd’hui à Londres. Que s’est-il passé pendant ce demi-siècle ?
Cécile Pin n’avait que vingt-cinq ans lorsqu’elle a terminé l’écriture de son roman en anglais et que les éditions Stock ont décidé de le publier, frappé par sa maturité.
Première partie – De Vung Tham au camp de réfugiés de Kai Tak à Hong Kong
Chapitre 1 – novembre 1978 à Vung Tham dans le sud du Vietnam. Dernière soirée à la maison pour la famille de Anh – seize ans – qui va quitter le pays depuis Da Nang avec ses deux frères Thanh dix ans et Minh treize ans. Les parents partiront un autre jour avec les quatre plus jeunes enfants : bébé Hoang, ses sœurs cadettes mai et Van et Dao le timide. Le plan est de se retrouver au camp de réfugiés de Hong Kong et de partir aux États-Unis où les attend oncle Nam. C’est l’heure du départ. Dernières recommandations du père : « Restez toujours ensemble quoi qu’il arrive », « Soyez gentils avec votre sœur. » Trois mois plus tard, Anh identifie les six corps du reste de la famille, sur une plage de Hong Kong.
Les douze premières pages passent d’une soirée familiale, certes marquée par l’inquiétude, mais aussi les bonnes odeurs de nourriture, les devoirs à faire, les préparatifs du départ pour les trois aînés, l’espoir d’une vie meilleure ; à la mort, au désespoir des trois survivants.
Le chapitre 2 revient en arrière sur la dérive des trois aînés en mer de Chine méridionale, l’arrivée à Hong Kong, la quarantaine, les poux, la saleté, la promiscuité.
Dans les six chapitres suivants – également courts – la narratrice décrit la vie au camp des réfugiés entre décembre 1978 et mai 1979 : les visites médicales, la scolarisation de ses frères, Mme Jones qui s’occupe de leur dossier, la survie, l’attente et enfin l’annonce du départ, non pas pour les États-Unis pour y retrouver oncle Nam, mais pour Londres.
Le récit ne suit pas la chronologie et l’autrice intercale des fragments assumés par elle-même et d’autres voix. Écho de la façon dont progressivement, elle a découvert les faits, par sa mère et par des recherches documentaires. Volonté aussi de faire revivre le petit frère Dao et son imaginaire d’enfant de sept ans.
– Dao le jeune frère mort parle de l’au-delà : « J’avais toujours imaginé les fantômes tels de vieilles âmes sages et espiègles, aux longues barbes et à la peau ridée. Il ne m’était jamais venu à l’esprit qu’il existe des fantômes d’enfants de sept ans. » p.24
Plus loin, ayant entendu parler de Royaume-Uni, il se demande « s’il y a là-bas des chevaliers et des princes » puis il monte toujours plus haut « pour voir ce royaume qui désormais serait le leur. » Phrase qui clôt la première partie, p.90.
– Un article du 22 novembre 1979, signé du journaliste Jack Barnes titré Sauvetage de réfugiés vietnamiens sur une île thaïlandaise. p.37
L’article rend compte de l’assassinat de dix-sept Vietnamiens par des pêcheurs thaïlandais sur l’île de Ko Kra. Il rapporte aussi, au conditionnel, le viol de trente-sept femmes vietnamiennes par cinq cents pêcheurs thaïs, « pendant vingt-deux jours consécutifs, » sur la même île.
– Courte intervention explicite de la narratrice à la 1re personne exprimant son choc après la lecture de cet article et son désir, son besoin, de tout savoir. p.60
– Saut en avant du chapitre 5, décrivant les activités des touristes sur l’île de Ko Kra en août 2022 : bains de mer et de soleil, jeux des enfants sur la plage, excursions… Dans un contrepoint très sec de dix lignes, les ruines du phare de Ko Kra à l’écart des circuits touristiques où l’on peut encore lire, gravé sur les poutres, en vietnamien : « À toutes les femmes : trouvez tout de suite un endroit pour vous cacher. Coupez vos cheveux et faites semblant d’être des hommes. » p.65
– Nouvelle intervention de la narratrice sur l’orientation à donner à son livre : insister sur l’horreur, l’atténuer, quitte à déguiser la réalité, accuser les politiques… Devant la complexité des responsabilités, elle veut essayer de « sculpter une histoire à mi-chemin entre l’horreur et le conte de fées, afin d’en extraire une lueur de vérité. » p.84
– Saut en arrière du chapitre 8 – le dernier de cette partie – en novembre 1978, sur le bateau de Anh et ses frères, au-delà de l’île de Hainan : l’assaut donné par trois jeunes hommes armés de couteaux, renonçant finalement à leur projet, envahis par la peur et la honte à la vue « d’une photo encadrée de Bouddha ! » Tragique et absurde mêlés.
Deuxième partie – Premières années en Angleterre (mai 1979 à mars 1985)
Chaque chapitre de 9 à 20 porte mention de la date et du lieu. La narratrice continue à perturber la chronologie au gré de ses émotions et de ses découvertes.
Chap. 9 – 1967 – Opération Âme rrante : Première partie – Vietnam
Le lieutenant Smith a envoyé deux jeunes soldats – Miller et Jackson – dans la jungle, pour y poser, à proximité d’un camp vietcong, un appareil diffusant les cris et des gémissements censés émaner des âmes errantes. Objectif : « Foutre une trouille de tous les diables à tous ces niakoués. »
La narratrice décrit la jeunesse des deux GIs, leur peau couverte d’acné, leur peur, leur sentiment d’accomplir une action « débile ».
Chap.10 – mai 1979 – Camp de réfugiés de Sopley, Hampshire
Arrivée en Grande-Bretagne où les trois orphelins sont accueillis par Sophie et Duong qui lui sert d’interprète. Installation dans une ancienne base de la Royal Air Force, « un endroit brutal et sinistre. » Dans le bungalow numéro 23, dès le lendemain, ils partageront le quotidien de douze réfugiés. Lits superposés, cuisine collective. Mais cette nuit, ils sont seuls, depuis longtemps. « Toute la nuit, elle fut bercée par la respiration légère de Thanh et Minh, signe de vie et de paix. »
Voix de Dao, le petit frère mort en novembre 1978, las de sa condition : « Au début, c’était rigolo. Mais très vite, j’ai compris qu’être un fantôme, c’était fatigant et qu’on était très seul. »
Chap.11 – décembre 1979 – Camp de réfugiés de Sopley, Hampshire
Long chapitre de dix pages. Plus de six mois ont passé. Leur nouvelle vie s’organise. Minh et Thanh vont en classe dans le camp et racontent à leur grande sœur ce qu’ils ont appris ce jour-là. Thanh est en 6e/5e comme Duc, son copain. Ba, la grand-mère de Duc « leur apportait l’attention maternelle qui leur manquait tant. » Elle cuisine pour eux cinq, et en échange, Anh se charge des corvées. Elle suit les cours pour adultes aux côtés de Bianh qui devient son amie.
Miracle ! Un matin, le camp est tout blanc : la neige est tombée. Partie de luge mémorable, suivie d’un bon repas préparé par Ba ! Ce jour-là, « Sopley commençait à ressembler à un foyer. »
29 juillet 1979 – Downing street – Lettre de la Première ministre Margaret Thatcher à la famille Nguyen.
Courte lettre pleine de compassion dans laquelle Thatcher assure faire tout son possible pour accueillir dix mille réfugiés supplémentaires.
Chap.12 – janvier 1980 – Camp de réfugiés de Sopley, Hampshire
Anh et Ba préparent le repas : riz gluant, légumes et nouilles sautées. Mais ba et Duc vont quitter le camp pour un logement autonome à Catford : « On aura notre propre cuisine et notre salle de bain », avait annoncé Duc joyeusement. Soirée d’adieu. Tristesse de Anh et ses frères perdant leur nouvelle famille. Espoir d’obtenir, eux aussi, un logement à eux, un « chez nous ».
30 décembre 2009, Londres – Article de Rob Donne, reporter en chef
Les dossiers de Downing street montrent la réticence de Thatcher à accueillir les réfugiés vietnamiens.
Par crainte de déclencher des émeutes chez les citoyens blancs dont les impôts subventionnent des logements pour immigrés, non blancs de surcroît. En reproduisant cet article, publié trente ans après la lettre à la famille Nguyen, la narratrice dénonce l’hypocrisie de Dame de fer, son racisme et son inhumanité.
Intervention de la narratrice qui voudrait écrire sur la paix, sur la vie, mais est confrontée à la mort. Le besoin de savoir, toujours, d’honorer les morts. « Je veux des monuments, des statues, des poèmes en leur mémoire. Je veux des podcasts, des séries documentaires en dix épisodes, je veux notre Apocalyse now à nous. »
Chap.13 – février 1980 – Camp de réfugiés de Sopley, Hampshire
À l’hypermarché de Woolco, proche du camp, en compagnie de Sophie. Des commerçants avenants, d’autres se moquant du sabir de certains immigrés. Anh vit mal le départ de Ba et Duc. Jalousie, frustration. Gros cafard ce soir-là. Larmes des garçons calmées par l’évocation des souvenirs heureux à Vung Tham.
Dao sent l’odeur de l’encens brûlé par sa sœur et ses frères, l’odeur du porc braisé. Il voudrait pouvoir exaucer leurs prières.
Chap.14 – août 1980
L’absence de mention de lieu dans le titre laisse supposer un changement. Le miracle est arrivé. Le chapitre commence dans la voiture de Sophie qui conduit la fratrie à Catford, huit mois après Ba et Duc. Lorsque Sophie lui donne les clés du modeste logement, elle est heureuse bien sûr, mais ne peut réfréner le sentiment d’humiliation à devoir être assistée pour tout. Mais lorsque Thanh et Minh sautent de joie sur le matelas, elle rit avec eux, « choses qu’ils n’avaient pas faites depuis qu’ils avaient quitté Vung Tham. »
Intervention de la narratrice sur le « trouble du deuil prolongé » affection introduite par l’Organisation Mondiale de la Santé dans la onzième version (2022) de la classification des maladies. Selon l’OMS, au-delà de quelques semaines voire de quelques mois, la tristesse persistante et prolongée liée à un deuil devient pathologique. Cette information conduit la narratrice vers Meursault, le héros de L’Étranger de Camus qui n’a pas pleuré à l’enterrement de sa mère et sa réception du roman. Et vers une expérience personnelle à l’occasion de la mort d’une grand-tante. Elle en déduit que la façon de porter le deuil se déroule pour partie « loin du regard des autres. »
Chap.15 – 1981 – Londres
Anh a dix-neuf ans. L’appartement qu’elle a aménagé, l’absence de barbelés, la liberté d’aller et venir lui permettent peu à peu d’oublier les dures conditions des camps de réfugiés. Elle travaille dans une usine textile loin de Catford. Un soir, elle accepte de sortir avec des amies et confie ses frères à Ba qu’elle a retrouvé.
Minh ne brille pas en classe et décide de gagner sa vie. À seize ans, il n’est plus tenu d’être scolarisé. Déception pour Anh qui se sent impuissante. Thanh aime l’école et a de bons résultats. Quelquefois elle les emmène au cinéma à Londres.
Dao continue à les observer et à les écouter.
Chap.16 – octobre 1984 – Londres
Minh a dix-neuf ans et enchaîne les petits boulots ou les périodes de chômage. Les temps sont durs sous Thatcher. Souvent on le traite de « sale chinetoque ». Il finit par sympathiser avec les trois Vietnamiens qui stationnent à la porte de leur immeuble et fume des joints avec eux. Leur chef lui confie un boulot qui nécessite de pouvoir sortir le soir.
Chap.17 – 1984 – Opération âme errante : Deuxième partie – Boston, États-Unis
Obsèques du sergent Miller en présence du sergent Jackson. Après huit ans de guerre du Vietnam, le retour avait été dur pour les GIs. Miller criait souvent la nuit et cherchait refuge dans l’alcool. Un van roulant lentement avait fini par avoir sa peau, à l’aube, à quelques mètres de chez lui. Un suicide ? Le lieutenant Smith est présent lui aussi, en fauteuil roulant : une balle dans la colonne vertébrale peu avant la chute de Saïgon. Jackson lui demande alors le sens de la mission qu’il leur avait confiée en 1967. Il comprend alors la torture psychologique infligée aux Vietnamiens. En ce jour de deuil, où l’on enterre un mort à Boston, États-Unis, Jackson laisse aller ses pensées. « À l’époque, Jackson était un étranger sur leur terre, et il avait mené cette opération blasphématoire. Il s’était moqué d’eux et de leurs convictions, qui n’étaient pas si différentes des siennes. »
Chap.18 – février 1985 – Londres
La grève des mineurs touche à sa fin. Soir de neige. Thanh fait ses devoirs en compagnie de sa sœur. Il rêve d’être astronome. Anh attend Minh qui finit par rentrer tard. Une dispute éclate dans laquelle elle lui reproche ses activités illicites, sa consommation de drogue. Minh riposte en termes durs, l’accusant de végéter, de ne pas avoir progressé depuis Hong Kong. Quelle ingratitude ! « J’ai tout sacrifié pour vous deux. Je n’ai jamais demandé ça. J’aurais pu faire tant de choses si vous ne m’aviez pas tirée en arrière. Vous avez gâché sept ans de ma vie. »
Intervention de la narratrice qui réfléchit à partir de la thèse de la philosophe Martha Nussbaum – Upheaval of thought – The Intelligence of emotions – sur la variété du processus de deuil selon les cultures. Elle découvre qu’elle a été façonnée par sa culture vietnamienne.
Chap.19 – novembre 1985 – Londres
L’altercation avec Minh a laissé des traces. Anh consciente de la baisse des effectifs dans son usine textile, pense à changer d’emploi. Elle se rapproche du Refugee council et prend des cours régulièrement pour s’adapter aux évolutions technologiques. Elle décroche un entretien et se fait aider par son amie Bianh pour paraître à son avantage.
Dao continue à les espionner. Il se demande ce qu’il aurait fait, lui. Aurait-il été « drôle et bavard comme Thanh ou en échec comme Minh » ?
Chap.20 – mars 1987 – Londres
Anh a rencontré Tom au cabinet comptable où elle a été embauchée. Ils se sont donné rendez-vous pour assister à la relève de la garde. Lorsque Tom est arrivé, le patron a demandé à Anh de guider ses premiers pas dans l’entreprise. Parce qu’il est asiatique, comme elle ? Né en Angleterre, Tom vient de Hong Kong et s’étonne que Anh ne soit pas encore venue à Buckingham depuis sept ans qu’elle est en Angleterre. Anh explique. Tom écoute, mesure le fossé qui les sépare, mais ne s’en va pas. « Elle lui prit la main et continua à marcher sans rien dire, sans le regarder ; se contentant d’aller de l’avant. »
Troisième partie – Une famille reconstruite
Chap.21 – 23 octobre 2019 – Grays, Essex
Quatre pages relatant la mort de trente-neuf Vietnamiens « par suffocation et hypothermie » dans un camion parti de Zeebruges en Belgique pour gagner la terre promise en Essex. Mais les demandes de passages clandestins n’ont pas diminué. Les prix, eux, ont augmenté.
Chap.22 – février 2016 – Peckham
Jane, la fille de Anh, vingt-deux ans, est venue à l’enterrement de Ba. Elle étudie la philosophie, ce dont sa mère ne comprend pas l’utilité. Lili et Will sont là également, ses aînés qui portent aussi des prénoms anglais, « plus faciles à prononcer par les professeurs. »
Anh est mariée depuis vingt-sept ans et a cessé de travailler après la naissance de Lily. Minh vit toujours à Catford, il est gérant du Tesco du quartier et ne s’est pas marié. Le fossé n’a cessé de se creuser entre eux. Thanh est marié, deux enfants de dix et treize ans. Il n’est pas devenu astronome, mais travaille dans une compagnie d’assurances et voit sa sœur assez souvent.
Lily est analyste financière et Will travaille dans un grand cabinet de marketing. Anh en est fière et les régale de plats vietnamiens chaque dimanche. Mais que Lily étudie la philosophie, « quelle perte de temps incroyable ! » Tom est devenu directeur financier.
Ses enfants connaissent les grandes lignes de son parcours et suggèrent souvent qu’elle écrive ses mémoires. Un jour, Jane ouvre un profil Facebook à sa mère. « Tu verras, c’est facile. »
Intervention de la narratrice sur un article paru en 2003, consacré aux survivants de l’holocauste faisant le constat que « les enfants des survivants sont plus sensibles au stress psychologique […] que l’ensemble de la population. »
La narratrice révèle alors son identité à travers les propos tenus à sa thérapeute. « Votre héritage est marqué par la mort, » lui dit cette dernière, « vous avez besoin d’antidépresseurs. ». La narratrice est Jane, la philosophe, la fille de Anh.
Chap.23 – février 2016 – Peckham
Anh pense aux enfances protégées de ses enfants, si différentes de la sienne. Pourtant, elle leur a forcément transmis quelque chose de sa propre « tragédie ». Les commentaires de Jane, ses recherches, ses questions font leur chemin : « Tu as déjà pensé à reprendre contact avec les gens de ton village ? Tu n’es pas curieuse de savoir ce qu’ils sont devenus ? » Alors, elle se décide à envoyer une bouée sur Facebook. Magie d’internet, elle obtient une réponse de son cousin étatsunien via un site de boat people !
Intervention de la narratrice sur sa lecture de l’Iliade. Ce qui la frappe, c’est qu’Achille revient dans la bataille pour le deuil de son ami Patrocle, non par orgueil ou goût du sang. Du récit d’Homère, elle tire des enseignements pour leur propre deuil familial.
Chap.24 – juin 2018 – Hô Chi Minh-Ville, Vietnam
Anh est revenue au pays pour incinérer les dépouilles de sa famille morte en mer de Chine en 1978, quarante ans plus tôt, grâce aux démarches de son cousin de Boston, Thach. À la réception des cendres, elle se sent soudain légère. « C’est fait, dit Anh. Maintenant, ils sont rentrés chez eux. »
Dao dit sa panique lorsque la tombe fut ouverte, son excitation à prendre l’avion pour la première fois, son apaisement à cesser d’être un membre fantôme.
« Je n’avais plus
besoin d’errer
ni de jouer.
Il était temps de se reposer. »
Chap.25 – avril 2022 – Peckham, Londres
On continue à demander à Anh d’où elle vient alors qu’elle qui vit en Angleterre depuis presque un demi-siècle. Certains sont bienveillants. D’autres, notamment avec le Covid, malveillants et racistes. Elle a pitié de l’ignorance de ces gens, mais ressent aussi beaucoup d’incompréhension.
Dernière séquence sur un barbecue dominical où toute la famille est réunie, son mari, ses enfants, ses frères et Duc.
Intervention de la narratrice sur l’écriture : sa hantise des erreurs, sa crainte des clichés, ses hésitations sur ce qu’il faut garder, retrancher, modifier. « Quand les choses seront un peu plus concrètes, je dirai à maman d’un air détaché que j’ai commencé à écrire une histoire inspirée de la sienne, j’insisterai bien sur le mot “inspirée” et elle me sourira. »
Jane mai Van Leung, Londres, mars 2023
Article rédigé par Régine Hausermann – mai 2024