Mission 9 – Chapitre 1
Journal de ma 9ème mission de formation à Hanoï – Automne 2015
À l’Université nationale de Hanoï
Régine Hausermann, professeure de lettres françaises
Installation
Départ le 12 septembre – Voyage sans histoire
Je suis arrivée à Roissy à l’heure prévue et j’ai pu enregistrer très rapidement. J’étais ainsi libérée de mon gros bagage (29,2 kg) lesté de livres nécessaires au travail et au besoin de lecture personnelle. Je commence d’ailleurs à bouquiner, confortablement installée dans la luxueuse salle d’attente du terminal E. Je vous recommande Profession du père de Sorj Chalandon, terminé lors de l’arrivée à Hanoï. Vol tranquille. 6h30, on arrive.
Petits ennuis à l’arrivée
Comme d’habitude, je prends mon visa à l’arrivée. C’est pratique et moins cher.
Mais cette fois – erreur de dates de séjour – je verrai tout le monde me passer devant et me retrouverai seule dans le grand hall modernisé depuis l’an passé. Coups de téléphone au vice-doyen. Intervention auprès du service… La machine accepte de me délivrer le précieux document. Il est 9h.
Ma valise m’attend près du comptoir des réclamations. Anh Tu et Tu Linh, les Préfassiennes 2014 et 2015, sont contentes de me voir arriver et de m’offrir le bouquet de fleurs de bienvenue.
Heureusement nous avions pu communiquer par sms et elles m’attendaient avec le sourire.
Voyage dans une voiture de l’Université via un nouveau pont flambant neuf. On papote.
Le Département de français
Je retrouve « ma » chambre dans le bâtiment réservé aux professeurs étrangers. Tout semble aller, la clim fonctionne. Il fait en effet très chaud, plus de 30°. Ah ! On ne trouve pas TV5 Monde. Il faut maintenant un décodeur pour avoir accès à la chaîne francophone qui est indispensable pour les informations et la détente.
Dans « mon » bureau, juste en face, je retrouve tant bien que mal les affaires que j’avais laissées. L’ordinateur a besoin d’un réglage. Désappointement… atténué par un magnifique bouquet accompagné d’une carte de bienvenue !
Dimanche au centre-ville
Je suis invitée à déjeuner par les parents de la Préfassienne 1999, près de l’Opéra, d’où nous partons pour un restaurant du Vieux quartier. Retour aux saveurs vietnamiennes. Visite à Hang Gai – la rue de la Soie – à mon amie, vendeuse au magasin de soie. Balade le long du lac Hoan Kiem où des dames âgées se reposent, des jeunes croquent le paysage, d’autres abordent les tay – les Occidentaux – pour parler anglais… ou quelquefois français. Des couples de futurs mariés se succèdent autour du lac et dans les belles rues avoisinantes du quartier colonial. Photographe, accessoiriste, maquilleuse s’activent. Pas de doute, je suis bien revenue à Hanoï !
Il fait bon, un peu brumeux, presque frais… pas plus de 26°.
Je rentre en taxi conduit par une femme – très rare ! – parlant un peu anglais – également rare – Elle me parle de son mari, taxi comme elle, de ses enfants gardés par les grands-parents. C’est dur ? Oui mais elle aime le métier. Une belle rencontre.
Première semaine – Je retrouve progressivement mes marques
● Premières observations de cours
Lundi matin, dans la classe d’excellence de 2ème année. Un public intéressant.
Très chaleureux déjeuner d’accueil avec une vingtaine de mes jeunes ami-e-s.
Je range mes livres avec Tu Linh. Je classe mes dossiers.TV5 Monde a été réinstallé.
Mardi, rendez-vous le matin avec les profs de littérature. Je commence le cours mardi prochain, en 4ème année, avec des textes du 18ème siècle.
Déjeuner entre amies dans un nouveau restaurant Cha Ca -spécialité hanoïenne de poisson- suivi de la première séance de travail avec Phuong Lan (Préfassienne 2005) sur son projet de thèse : « L’expression des émotions et les sentiments dans l’Etranger et la Peste d’Albert Camus. »
Du mercredi au vendredi, dès 7h et jusqu’à 11h30, j’observe trois « jeunes profs » dans leurs classe de 2ème année : à leur demande, j’interviens pour définir la philosophie, lire des textes de façon expressive et avec l’accent français !
On commence tôt, ce qui implique de se lever à 6h. Par chance j’habite à 5 mn du Département alors que plusieurs des professeur-e-s qui habitent loin ou doivent braver de sérieux bouchons, doivent se lever à 5h.
● Premier séminaire, le jeudi après-midi, avec 20 participantes : un record !
Nous nous mettons d’accord sur le programme du trimestre puis j’aborde la question de « la crise des migrants » à partir d’articles que je leur avais envoyés. Les médias vietnamiens donnent beaucoup d’infos mais pas de commentaires. Certains articles que j’avais sélectionnés ouvrent des horizons nouveaux. Je présente la crise dans son ensemble mais c’est trop court. Je propose six exposés sur six articles du Monde pour le jeudi suivant. Bonne surprise : six volontaires se proposent rapidement !
● Premier week-end studieux
Je quitte peu mon bureau car il me faut assumer mes tâches de conseillère pédagogique :
– rédiger les fiches d’observation que j’envoie aux intéressées,
– faire le bilan du premier séminaire et préparer celui du lundi qui porte sur l’analyse des pratiques,
– envoyer aux professeur-e-s le programme de la semaine 2,
– préparer le cours de littérature du mardi.
Heureusement les « jeunes profs » sont motivées et toujours aussi amicales !
●Dimanche soir chez Lan Phuong (Préfassienne 2004)
Elle a emménagé dans un bel appartement de ces hauts immeubles qui poussent dans le quartier de Cau Giai, à proximité de l’Université, à la place des rizières et des cultures maraîchères. Moins de temps perdu pour se rendre au travail.
Hoai Anh (Préfassienne 2013) et son mari viennent me chercher. Une petite flèche sort de la voiture et s’élance vers moi en s’écriant : « Bonjour Mamie ! Comment vas-tu ? »
C’est Chi, la fille de Hoai Anh, 7 ans, qui apprend le français depuis trois ans et commence à se débrouiller ! Sur le chemin, je suis mitraillée de questions : « Qu’est-ce que tu aimes ? Tu es contente ? Quels plats tu aimes ? »
Nous sortons de l’ascenseur au 15ème étage – ou peut-être était-ce au 22ème – quand une deuxième petite flèche me saute au cou. C’est Minh Quang, 6 ans, le fils de Phuong, un enfant plein de feu ! L’appartement est spacieux : cuisine à l’américaine, trois pièces. Le nouveau standard, qui tranche avec les maisons-tubes traditionnelles. On est passé de la verticale à l’horizontale.
Nous nous régalons d’une salade composée (mien et petites crevettes), de grosses crevettes à la vapeur et de banh goi (rissoles). Au moment du gâteau, les enfants m’ont aidée à souffler les bougies d’anniversaire.
● Cette semaine, il a plu pendant trois jours,
très fortement dans la nuit de jeudi à vendredi. Au matin, il a fallu faire un détour par le garage à moto car l’entrée habituelle était inondée.
Le soir, je lis le Monde ou Médiapart en ligne, après avoir regardé les infos sur TV5. J’écoute France Inter et/ou de la musique.
Guy Béart est mort. La Hongrie continue à installer ses barbelés. L’Europe s’enferme et les pauvres gens, victimes des guerres que nous avons semées cherchent une issue pour échapper à la mort.