Mission 11 – Chapitre 4
Projets et progrès
● Un public majoritairement féminin
C’est ce qui m’a incitée à utiliser l’écriture inclusive. Comment écrire si souvent, « « les étudiants », alors que les garçons sont si peu nombreux ?
Sur la photo ci-dessus d’une classe de 1ère année vous apercevez deux garçons. Beaucoup d’étudiant.e.s portent l’uniforme de l’Université, la veste bleu marine à bandes blanches. Certain.e.s dorment, comme l’étudiante au deuxième rang à gauche. En position assise ou couchée sur la table, souvent sans que les professeur.e.s ne leur disent rien. Certes, les cours commencent à 7h et les levers sont très matinaux …mais les couchers sont trop tardifs. Il n’est pas rare que les étudiant.e.s se couchent vers 2 h du matin. Les retards sont nombreux. L’absentéisme est élevé. Le travail personnel est insuffisant. Les tests de connaissance effectués du jour au lendemain sont décevants.
On vise à créer un sentiment d’appartenance. On sollicite les étudiant.e.s pour de nombreuses activités festives, des fabrications de décors, d’accessoires, des chants, des danses. Le slogan de l’ULEI (université de langues et d’études internationales) est CREATING OPPORTUNITIES TOGETHER.
● Coup de fatigue
Dans le restaurant où je prends la plupart de mes repas, d’autres dormeuses. Il est 13h, c’est l’heure de la sieste. Ce jour-là, le S Café était calme mais il est quelquefois si bruyant que je me dépêche de déjeuner et de rentrer dans mon bureau. Le quartier est tranquille à cette heure-là.
Un autre jour, c’est la gérante qui pique un somme. Les étudiantes qui assurent le service s’amusent de me voir prendre des photos. La gérante que je connais depuis longtemps, se réveille et s’amuse elle aussi. Ce restaurant a dû ouvrir en 2006 ou 2007 au rez-de-chaussée du bâtiment d’anglais. Depuis, il n’a fait que prospérer. La nourriture y est simple et assez bonne. Lorsque je suis seule, je commande mes plats en vietnamien : com ca kho to, com ga sot nam, com bo gung, com rang hai san…
● Des progrès pédagogiques
Le travail individualisé avec plusieurs jeunes professeur.e.s, depuis plusieurs missions ou depuis mon arrivée, pour les deux dernières recrutées, porte ses fruits. Certaines observations me font vraiment plaisir et je ne cache pas ma satisfaction auprès des intéressé.e.s. J’apprécie que les apprentissages linguistiques s’appuient sur des méthodes actives, des documents qui leur donnent plus de sens.
Huong 2017 fait venir un étudiant au tableau pour situer la Réunion, Mayotte, Madagascar. La pédagogie devient plus active. Au cours précédent, j’avais travaillé avec cette classe sur la métropole, l’Outre-mer, les DOM-TOM… L’étudiant peine. La géographie n’est pas le point fort des étudiant.e.s et certains.e.s professeur.e.s ne sont pas à l’aise !
Yen 2016 travaille sur la nourriture dans une autre classe de 1ère année.
Les plats préférés des Français sont les fruits de mer, le steak- frites, le poulet rôti, la pizza, les pâtes, le couscous, les sushis, la choucroute, le cassoulet…je suggère de parler des influences étrangères sur la « cuisine française » ! La gestuelle du professeur a gagné en naturel depuis eux ans.
Thanh Hoa 2012 en classe de 2ème année. Au programme, une lettre adressée par leurs copains de Montpellier à Latifa et Helmut pour les inviter à venir découvrir la région. Expressions pour proposer. Descriptions pour donner envie. Joie de recevoir leurs amis. Après, les étudiant.e.s devront rédiger une lettre semblable, d’une quinzaine de lignes.
Thuy-Lise 2018, est très sensible à la culture française.
A propos d’un carnet de voyage à Paris et suivant mes suggestions, elle a préparé des documents pour présenter le Louvre, Orsay et le musée Rodin. La Pyramide, la Joconde, l’impressionnisme, le Penseur, les arrondissements en forme d’escargot.
● Mais les résultats nous déçoivent
Trois jeunes professeures avec qui je travaille régulièrement et moi-même avons donné des tests de 15 à 20 mn en 1ère année, pour évaluer les acquis du dernier cours. Déception : les résultats sont très médiocres. Même des questions simples sont mal comprises. La moitié seulement sait répondre sans faute aux trois questions suivantes : Comment t’appelles-tu ? Quel est ton jour de naissance? Quelle est ta nationalité ? Personne ne sait dire ce qu’est une famille recomposée. Trois savent conjuguer sans faute le verbe se marier au présent de l’indicatif.
Les étudiant.e.s ont pourtant 16h de cours par semaine depuis 12 semaines, soit 192 heures. Un volume d’heures qui devrait les rapprocher du niveau A2 (240h) dont le descriptif précise les savoir-faire suivants à l’écrit et à l’oral:
Peut écrire une suite de phrases et d’expressions simples sur sa famille, ses conditions de vie, sa formation, son travail actuel ou le dernier en date. Peut écrire des biographies imaginaires et des poèmes courts et simples sur les gens.
Peut décrire oralement sa famille, ses conditions de vie, sa formation, son travail actuel ou le dernier en date. Peut décrire les gens, lieux et choses en termes simples.
Nous en sommes loin, ce qui affecte le moral des enseignant.e.s et pose des questions sur le travail des étudiant.e.s, celui des professeur.e.s, l’ambiance festive chronique qui détourne les un.e.s et les autres de l’essentiel.
● Les séminaires sont bien suivis
Elaboration des sujets d’examen – Le lundi après-midi – avec cinq participantes et une à distance depuis Fribourg en Suisse – nous avançons sur la sélection de textes « neufs » pour concevoir des sujets originaux. Il s’agit de concevoir des QCM de qualité, de réaliser des résumés de textes en vue d’un type d’épreuve qui consiste en un texte et son résumé comportant dix trous que les étudiant.e.s doivent compléter avec l’aide d’un QCM. Autre épreuve, des textes sur lesquels nous devons poser des questions auxquelles il faut répondre par Vrai, Faux, On ne sait pas. Le travail le plus difficile est sans conteste le résumé. Mais les QCM sur des textes de 300 à 450 mots posent encore des problèmes car plusieurs participantes n’ont pas suivi la formation de l’an passé. Les progrès des plus assidues font plaisir.
Conception de dossiers pour les classes-pilotes de 1ère année – Le mardi matin, je travaille avec six à sept professeures sur des dossiers élaborés par la plus expérimentée d’entre elles. C’est une expérience voulue par le Doyen pour dépasser ce qu’il considère comme la sclérose liée à l’emploi des manuels de FLE.
Certes on peut tomber dans la routine du manuel. Un de mes objectifs depuis dix ans est de montrer aux professeures que le manuel est un fil conducteur sur lequel on peut broder : ajouter, retrancher, modifier. Mais le manuel est un cadre précieux, surtout pour des professeur.e.s inexpérimenté.e.s.
Donc le mardi, je passe le dossier au crible, à la demande de la « chef » du groupe. Beaucoup de problèmes : choix des documents sur des sites non fiables, très nombreuses fautes d’orthographe, de lexique et de syntaxe, oublis d’outils indispensables pour étudier les documents. Je donne des pistes pour étudier les supports et nous terminons par la lecture expliquée et expressive d’un poème. Les participantes apprécient. Mais l’objectif de remplacer le manuel par ce type de dossier m’inquiète. J’insiste pour l’adoption de la série Alter Ego + qui actualise le contenu des manuels Alter Ego que nous utilisons et qui datent de 2006.
Séminaires généralistes – Le jeudi après-midi, nous commençons par un exposé sur l’actualité à partir de sujets que je propose : les Rohingya, le Nobel de la Paix, les prix littéraires de novembre, le harcèlement sexuel (l’affaire Weinstein a éclaté)…Les présentations sont intéressantes et utiles car les professeur.e.s manquent d’information.
Nous poursuivons par des exercices sur les outils pour analyser le discours argumentatif, qu’il soit une image ou un texte oral ou écrit. L’analyse des images a donné lieu à des séances très appréciées à partir d’images que j’avais sélectionnées. Six professeur.e.s étaient chargé.e.s d’une image à décrire et commenter. Je corrige le premier jet et le deuxième est présenté lors du séminaire.
Je montre comment le regroupement de plusieurs images peut nourrir un essai de type thèse, antithèse, synthèse.
● Lancement du concours Plaisir de dire
Après consultation du bureau de Préfasse, j’ai proposé ce concours pour inciter les étudiant.e.s à apprendre des textes par cœur et à les dire bien, pour la phonétique et l’expressivité.
Je suis passée dans les classes pour le présenter, leur donner envie en disant des textes de tonalités et de thèmes différents. Plusieurs professeur.e.s me servent de relais dans les classes.
J’ai proposé des textes de Prévert, Apollinaire, Desnos, Du Bellay, Rimbaud, Aragon, Eluard… Des textes courts, d’autres plus longs qu’on peut présenter à deux ou trois. En complément de l’entraînement dans les classes, je propose trois ateliers le vendredi après-midi, avant la finale qui aura lieu début décembre.
Répétition dans mon bureau : Il y a de Guillaume Apollinaire
Il y a des petits ponts épatants
Il y a mon cœur qui bat pour toi
Il y a une femme triste sur la route…
● Massages vietnamiens
Si vous ne connaissez pas la position du shampoing au Vietnam, Ngoc Lan qui m’accompagnait, a pris une photo. Comme le massage du cuir chevelu dure longtemps, je suppose qu’on peut s’endormir. C’est très agréable !
Autres massages, ceux de Thuy Aquableu qui soulagent mes cervicales et mes épaules. Depuis son retour au pays en décembre dernier après les années de thèse à Lyon et plusieurs visites à Grenoble, elle a repris les cours au Département. Elle suit une formation de trois mois pour apprendre à masser selon une technique mise au point par des thérapeutes vietnamiens. Je peux vous dire que c’est efficace.
Chapitre 3
Retour
Chapitre 5