Là où fleurissent les cendres – Dust Child

Là où fleurissent les cendres/Dust Child de Nguyễn Phan Quế Mai
Roman 2023
Ed. Charleston

Nguyễn Phan Quế Mai
À la foire du livre de Göteborg en 2023

Le voyage de la dernière chance

2016 – Sur terre à Hô Chi Minh-Ville, Phong, la quarantaine, cherche à quitter le Vietnam, avec sa femme et ses deux enfants, dans le cadre du dispositif d’aide au retour des Amérasiens. Phong a la peau sombre et souffre du racisme dont il est victime depuis sa naissance, lui enfant de l’orphelinat, « poussière de vie », « bâtard ».
Dans un avion qui s’apprête à se poser à Tan Son Nhat, Dan, soixante-cinq ans, est saisi par l’angoisse. Il était pilote d’hélicoptère pendant la guerre du Vietnam et souffre de stress post-traumatique. Ce voyage va-t-il l’apaiser ? Va-t-il retrouver Kim, celle qu’il a aimée, qui était enceinte lorsqu’il est rentré aux États-Unis ? Engagé à vingt ans, il était fiancé avec Linda, qui l’accompagne aujourd’hui. On imagine que les fils narratifs simultanés vont finir par se croiser. On fait des hypothèses.

Un troisième fil nous emmène dans le delta du Mékong en 1969. Deux jeunes filles, Trang et Quynh – 18 et 17 ans – travaillent dans les rizières. Leur père est rentré de l’armée du Sud, détruit psychologiquement et la famille survit dans l’inquiétude des attaques du Viet Cong. Comment rembourser les dettes des parents escroqués. Une jeune fille du village leur propose de venir travailler dans un bar à Saïgon, « boire du thé avec les soldats américains ». La proposition les horrifie mais elles finissent par accepter.
Trang et Quynh sont prises au piège de la prostitution qui rapporte gros. Dorénavant leurs prénoms doivent être faciles à prononcer pour les GIs. La patronne du Hollywood bar les renomme Kim et Lan.
Phong abandonné dès sa naissance a d’abord vécu sous la protection d’une religieuse. Mais à sa mort, il se retrouve à la rue et vit dans un gang de voleurs. Il est enfermé dans un camp de rééducation à quinze ans, en sort deux ans plus tard, décidé à vivre honnêtement.
Lorsqu’il apprend que des vétérans reviennent au Vietnam à la recherche de leur enfant, l’espoir renaît. Mais les escrocs rôdent, à l’affût de toutes les naïvetés et les illusions.
Phong et Dan finissent par se rencontrer. Au premier regard, il sait que ce dernier n’est pas son père : Dan est blanc !
La structure du roman entretient l’intérêt et suscite l’attente. Les trois fils du récit se croisent. Les allers-retours entre les années 1969-70 et 2016 permettent de reconstituer les morceaux du puzzle de vies brisées. Comment Kim et Dan se sont-ils rencontrés ? Se sont-ils aimés ? Kim et son enfant sont-elles encore en vie ? Comment va réagir Linda ?
Pendant son séjour, Dan prend conscience de ce qu’on lui a demandé de faire. Tous ces fûts marqués de bandes de couleur ! Il se sent en colère contre lui-même, de ne pas être venu plus tôt, de ne rien faire. Déjà sa lecture du Chagrin de la guerre, le roman de Bao Ninh lui avait ouvert les yeux. « Dan se sentait animé par le besoin de comprendre ces gens qu’ils avaient déshumanisés pendant la guerre. En cherchant leur humanité, c’était la sienne qu’il tentait de retrouver. »

Les derniers chapitres réservent quelques coups de théâtre. N’attendez pas que je les révèle maintenant. Mais si votre intention est de lire Là où fleurissent les cendres, ne lisez pas le résumé détaillé qui suit !
Autrice et traductrice vietnamienne, née en 1973, Nguyễn Phan Quế Mai a récemment commencé à publier en anglais. Dust Child est son deuxième roman dans lequel elle transpose en ­fiction des récits historiques ou biographiques.
Dédicace du roman : « Pour les Amérasiens et leur famille qui ont partagé avec moi leurs histoires et qui m’ont inspirée par leur courage. Pour les millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont été entraînés dans le tourbillon de la guerre du Vietnam. Pour toutes celles et tous ceux dont la vie a été touchée par la violence. Puissions-nous voir plus de paix et de compassion dans notre monde. »
Régine Hausermann, juillet 2024

Nguyen Phan Que Mai - La ou fleurissent-les-cendres - couverture

Résumé chapitre par chapitre

1 – Enfant de l’ennemi – Hô Chi Minh-Ville, 2016

Salle d’attente du consulat américain. Phong, un Amérasien – tre lai – à la peau sombre, espère obtenir un visa pour lui, sa femme Binh, son fils Tai et sa fille Diem, 14 et 12 ans.
Dans le regard des autres, il croit lire les insultes entendues depuis toujours : « métis », « bâtard », « poussière de vie » – bui doi – « enfant de l’ennemi », « impérialiste noir américain ».
À ses enfants, il répète souvent : « N’oubliez pas que vous êtes beaux. » Il connaît le mépris dont ils peuvent être l’objet, tant les Vietnamiens préfèrent les peaux claires.
L’entretien au consulat est ubuesque : on demande à Phong de prouver ses origines pour pouvoir bénéficier du Dispositif d’aide au retour des Amérasiens. Enfant abandonné dans un orphelinat, comment le pourrait-il ? Puis on l’accuse d’avoir fait une déclaration frauduleuse, vingt ans plus tôt, pour emmener avec lui des gens qui n’étaient pas membres de sa famille. Phong est accablé.

2 – Retour au pays de la peur – Hô Chi Minh-Ville, 2016

Dan et son épouse Linda atterrissent à HCMV. Dans l’avion, Dan est saisi de la panique qui fut la sienne lorsque l’hélicoptère qu’il pilotait pendant la guerre du Vietnam était attaqué. Il s’est engagé à 19 ans, a épousé Linda à son retour, il y a quarante-cinq ans. Années difficiles pour le vétéran souffrant de stress post-traumatique. Une nuit, en 1983, croyant être attaqué par le Viet Cong, il se défend et manque d’étrangler Linda. Depuis, il est suivi par une psychiatre. Ce voyage est un peu celui de la dernière chance pour leur couple car Linda n’en peut plus des crises, des angoisses, du silence. Elle espère que le retour au Vietnam apaisera Dan.
Dans l’hôtesse de l’air en ao dai, il croit reconnaître Kim, « la grâce et la beauté » dans l’appartement qu’il venait de louer pour elle à Saïgon en 1969.
C’est le roman de Bao Ninh, Le Chagrin de la guerre qui lui a ouvert les yeux. « Dan se sentait animé par le besoin de comprendre ces gens qu’ils avaient déshumanisés pendant la guerre. En cherchant leur humanité, c’était la sienne qu’il tentait de retrouver. »

3 – Un choix impossible – Village de Phu My, Province du Kien Giang, mars 1969

Trang 18 ans et sa sœur Quynh 17 ans, enlèvent les mauvaises herbes de la rizière depuis l’aube. Il fait chaud. Elles sont fourbues. Toutes deux ont raté leur tu tai, examen en fin de lycée. Elles craignent les attaques des hélicoptères américains. Elles ont faim et rentrent à la maison. Un groupe de soldats de l’ARVN – Armée de terre de la République du Viêt Nam – les dépassent, ce qui les rassure car le Viet Cong est signalé dans la région. Trang connaît la situation politique mais ne comprend pas que les Vietnamiens du Nord et du Sud s’entretuent.
Quatre ans plus tôt, son père avait été appelé dans l’ARVN. Il en était revenu hagard, libéré pour « troubles mentaux ».
Elles rencontrent Hân, une jeune fille du village qui travaille à Saïgon. Connaissant la situation de Trang et Quynh, sans emploi, de leur famille, victime d’un escroc et devant rembourser une somme énorme, elle leur propose de venir travailler avec elle, dans un bar pour GI. Il suffit d’être jolie et de boire du thé avec les soldats américains.
La proposition les horrifie tant elle est contraire à leur quête de savoir et leur mode de vie vertueux. Pourtant elles vont annoncer à leurs parents que Hân leur a trouvé du travail dans un bureau à Saïgon et qu’elles vont ainsi pouvoir aider à rembourser les dettes de la famille.

4 – L’oiseau qui trouve son nid – Province du Lam Dong – Hô Chi Minh-Ville, 1984-1993

Sœur Nha et Phong vivent dans un abri précaire dans une zone où le gouvernement communiste vietnamien a envoyé « les mauvais éléments de la société » après la chute de Saïgon. Ce jour-là, sœur Nha, la religieuse qui a pris soin de lui depuis sa naissance et lui sert de mère, lui raconte comment il a été abandonné, accroché dans un tissu à une branche d’arbre, à l’entrée de l’orphelinat. Elle veut qu’ils se souviennent de tout et lui fait répéter les informations utiles pour l’aider à retrouver sa mère et ses origines.
Sœur Nah meurt. Phong est livré à lui-même. À Saïgon où il devient un bui doi, une poussière de vie, vivant dans la rue, comme beaucoup d’enfants amérasiens. Il intègre un gang. Il vit de vols et d’expédients. Un jour, il est pris et envoyé dans un camp de rééducation. Il a quinze ans, en sortira deux ans plus tard, se jurant de s’intégrer à la société vietnamienne.
À Dalat, pendant deux ans, il vit de petits boulots honnêtes. Puis est recruté comme second à bord d’un car qui fait la navette avec Saïgon.
Un jour, il est abordé par une femme qui se présente comme sa mère. Il se méfie, demande des preuves. La femme réussit à le faire venir dans une belle maison et s’éclipse. Il a été harponné pour le compte d’un couple qui souhaite l’adopter. M. Khuat lui explique qu’il veut ainsi honorer un ami noir qui lui a sauvé la vie, et qu’il souhaite un fils car le destin ne l’a gratifié que de deux filles. « Un fils est un enfant, dix filles n’en sont pas. » Invraisemblable !
Mais le confort de la maison le retient. Il reste. Quelques jours plus tard, M.Khuat abat son jeu. Ce qui l’intéresse dans Phong, c’est le Dispositif d’aide au retour des Amérasiens qui peuvent emmener leur famille avec eux. M. Khuat lui offre de l’or pour mentir. Au consulat, la supercherie est découverte. Phong est jeté dehors.

5 – Dans la chaleur de Saïgon – Hô Chi Minh-Ville, 2016

Début de la découverte de Saïgon pour Dan et Linda avec leur guide Thien. L’ancien GI revient sur sa naïveté lors de son engagement et le temps qu’il lui a fallu pour comprendre l’arrogance et la racisme des politiciens de son pays.
Installation à l’hôtel Majestic. Un désir l’obsède : retrouver Kim et son enfant qui aurait quarante-six ans. Il a honte de les avoir abandonnés.

6 – Le thé de Saïgon – Saïgon, 1969

Arrivée de Trang et Quynh à Saïgon. Elles sont hébergées chez Hân qui partage un appartement avec des collègues. Joyeuse ambiance. « Le meilleure chose qui puisse arriver est de se trouver un petit ami américain. » Trang est choquée.
Les anciennes initient les deux arrivantes à leur fonction : faire consommer les soldats toutes les demi-heures et les accompagner en buvant du thé de Saïgon, en principe du whisky mélangé à du thé, en fait du thé nature. Pour les tromper et faire marcher le commerce, il suffit de jouer la comédie. Il leur faut aussi des vêtements plus sexy.
Le lendemain, au Hollywood bar, les deux sœurs se font embaucher. Elles se nommeront Kim et Lan, des prénoms simples à prononcer par les clients. Pour travailler dans ce bar select, dit la patronne, « il faut être belle et savoir charmer ».
Et bien sûr, quand un client veut coucher avec une fille, celle-ci perçoit quarante pour cent du prix avalé au temps passé. Les sœurs se récrient, horrifiées, qu’elles ne le feront pas. Ce qui fait rire la patronne qui leur donne la consigne de se faire offrir six thés de Saïgon pour que leur embauche soit confirmée. Une journée éprouvante. Un soldat veut coucher avec Trang.

7 – Une lueur d’espoir – Hô Chi Minh-Ville, 2016

Phong et sa famille s’apprêtent à rentrer chez eux, à Bac Lieu. Ils attendent le bus. Phong se sent humilié d’avoir échoué. Il accuse Quang – à qui il a donné douze millions de dongs (six cents dollars) pour l’obtention des visas – de l’avoir arnaqué. Ce dernier ne veut rien restituer et se fait menaçant. La marchande chez qui ils boivent un rafraîchissement connaît bien l’escroc qui gagne sa vie en exploitant la crédulité des Amérasiens. Elle parle à Phong des annonces passées dans un journal ou à la télévision par des vétérans qui reviennent à la recherche de leur ancienne petite amie. Ainsi « Tom-So-Mit cherche son amie Lan Lan… » Figure le numéro de téléphone d’un certain M. Thien.
Phong continue à croire au rêve américain. Sa famille rentre à Bac Lieu mais il reste à Saïgon pour faire un test ADN. Où sont son père et sa mère.

8 – Affronter les conséquences – Hô Chi Minh-Ville, 2016

Dan, Linda et leur guide Thien dînent dans un restaurant de quartier comme les « gargotes » que Dan fréquentait avec Kim. Dan prétexte un mal de tête pour faire un tour le long du fleuve tandis que Linda ira se reposer.
En fait il demande à Thien de l’aider à retrouver le Hollywood bar et de ne rien dire à Linda. Il veut aussi retrouver la maison où un ami proche louait un appartement pour sa petite amie vietnamienne, qui était enceinte.
Rongé par la culpabilité, Dan rentre à l’hôtel se promettant de continuer ses recherches, seul, le lendemain. Linda n’est pas dans le lit. Lorsqu’elle revient dans la chambre, très en colère, elle veut faire sa valise.

9 – L’arrière-salle – Saïgon, 1969

(Reprise chapitre 6) Le soldat désire Kim, « cette petite pucelle », et veut passer dans l’arrière-salle avec elle. Elle refuse. La patronne lui fait miroiter la grosse somme d’argent proposée. Kim finit par accepter de « discuter » avec lui. Mais l’homme se fait pressant.
De retour au logement de Hân, remplie de honte, Kim-Trang lui reproche de les avoir piégées. Mais n’avaient-elles pas besoin d’argent ? Hân termine son initiation. Elle lui parle des « rendez-vous longs » dans une chambre privée qui rapportent le double ; des visites médicales ; du plaisir sexuel. Les deux sœurs deviennent des prostituées du Hollywood bar. Les bombardements s’intensifient.
« Faire les poches aux hommes était devenu son secret, son plaisir, sa vengeance envers les soldats américains qui lui volaient sa jeunesse et son innocence. S’il n’y avait eu la guerre, Trang aurait été une jeune fille heureuse, travaillant dur pour devenir médecin. S’il n’y avait eu la guerre, elle n’aurait pas vu sa sœur s’éloigner ainsi d’elle. Ces derniers temps, Quynh ne parlait plus ; leurs conversations étaient devenues superficielles, comme si les deux sœurs craignaient de toucher leur cœur meurtri en s’aventurant trop profondément. » p.198
Cinq mois après leur arrivée, elle fait la connaissance d’un GI, « blond, grand et mince », qui la fait rire en voulant apprendre le vietnamien. Elle souhaite qu’il revienne.

10 – L’arbre de l’amour – Hô Chi Minh-Ville, 2016

(Reprise chapitre 7) Retour en arrière pour Phong depuis son expulsion de la maison de la famille Khuat. Les années de galère, la rencontre bénie avec son épouse Diem, ses deux beaux enfants.
Le test ADN est rapidement effectué par M. Luong, un homme bienveillant qui le met en garde contre un excès d’optimisme en lui donnant quelques exemples.

11 – Le secret – Hô Chi Minh-Ville, 2016

(Reprise chapitre 8) Linda sait tout. Thien n’a pas gardé le secret. Ils étaient fiancés. Elle est ulcérée. Elle veut tout savoir. Dan raconte. Il était jeune et égoïste tant la guerre était insoutenable. Kim l’a sauvé.
Une journée de visite difficile avec Thien et Linda. La cathédrale, la poste construite par Eiffel. Thien veut les quitter.

Avec Viet Thanh Nguyen, lauréat du prix Pullitzer pour Le Sympathisant en 2016
Avec Viet Thanh Nguyen, lauréat du prix Pullitzer
pour Le Sympathisant en 2016

12 – Le danger du feu – Saïgon, 1969

Trang apprend l’anglais. Grâce à Dan, elle progresse. En échange, elle lui donne des cours de vietnamien. Avec lui, elle peut parler, presque normalement. Un jour, ils visitent le zoo ensemble. Une journée de rêve. Au retour, la base est attaquée. Dan doit partir.
Ils s’aiment. Dan lui propose de louer un appartement pour se voir. Elle est heureuse. Sa sœur Quynh la met en garde : ça ne pourra pas durer.

13 – Le coût de l’espoir – Hô Chi Minh-Ville, 2016

Bureau de poste de Saïgon. Phong attend M. Luong. Il remarque un couple d’étrangers blancs accompagné par un Vietnamien. M.Luong arrive et salue Thien, le guide du couple. Phong se présente comme un Amérasien. Embarras des présents. Dan donne rendez-vous à Phong, le soir, à l’hôtel Majestic. Autour du consulat, beaucoup d’escrocs essaient d’arnaquer les postulants au visa pour les États-Unis.
Rencontre entre Dan, Linda et Phong avec Thien comme traducteur. Phong raconte sa vie : l’orphelinat, les années de délinquance… Le couple essaie de comprendre les raisons de son désir de partir aux États-Unis, de retrouver son père. Il lui offre de l’argent pour éduquer ses enfants. Phong refuse.

14 – Le bouddha rieur – Saïgon, 1969

Installation dans l’appartement. Trang explique à Dan le sens de l’autel des ancêtres, le rôle du bouddha rieur qui y trône. La vie serait magnifique, sans la guerre, sans son statut de « prostituée » qui doit des comptes à la patronne du Hollywood bar. Dan lui donne de l’argent. Elle voudrait pouvoir travailler dans un bureau. Les premiers temps sont magnifiques puis l’humeur de Dan s’assombrit. Il refuse de parler de ses missions, de plus en plus difficiles. Il disparaît pendant trois semaines. Trang est affolée. Au retour, il est violent. « Dan n’était plus le garçon doux qu’elle avait connu. Tout ce qu’il avait vu et fait le pourrissait. »
Elle est enceinte. Elle attend le retour de Dan à qui elle peut enfin annoncer la bonne nouvelle. Au bar, il la regarde effaré, et sort sans dire un mot.

15 – Guerre et paix – Hô Chi Minh-Ville, 2016

Deuxième jour. Linda est calmée, ne menace plus de rentrer à Seattle. Explication entre Thien et Dan. Le guide est humilié du comportement de Dan et annonce qu’il les quitte. Il est un ancien combattant de l’ARVN, capitaine de marines. Il a passé des années dans les camps. « Vous, les vétérans américains, vous avez des avantages, des allocations de votre gouvernement. Nous n’avons rien. Vous avez un mur à Washington – nous n’y sommes pas. Nous avons combattu à vos côtés, mais vous faites comme si nous n’existions pas. »
Thien reste. Visite du delta du Mékong. Les souvenirs de la guerre affluent.
Il fait chaud. Un homme jeune les invite à se rafraîchir dans sa maison. Un vieillard est assis, souffrant l’Alzheimer. Un ancien combattant du Viet Cong.
Un peu plus tard, Dan croit reconnaître l’endroit où son hélicoptère s’est écrasé. Il raconte. Des quatre occupants de l’appareil, il est le seul survivant. « Toutes ces années, je me suis demandé pourquoi j’avais mérité de vivre. C’était de ma faute… j’étais responsable. » Linda le réconforte.

16 – Comment être mère – Saïgon, Hoc Mon,1970

Huit mois et demi de grossesse. Trang s’en veut de ses illusions. « Dan et ce bébé étaient les pires erreurs de sa vie. » Quynh est partie chercher une moto pour l’emmener accoucher chez une sage-femme. Ensuite elle abandonnerait l’enfant dans un orphelinat.
Mais Thu Hoa est née, une fille. Trang s’y attache et veut la garder. Quynh – d’abord opposée à ce projet – s’incline. En arrivant à Saïgon toutes les trois, à moto, elles sont prises dans une explosion.

17 – Une aiguille dans une botte de foin – Bac Lieu, 2016

Phong et sa famille sont dans un cybercafé pour visionner une vidéo « sur des Amérasiens à la recherche de leurs parents ». Un homme raconte qu’il est aux États-Unis depuis vingt-cinq ans, qu’il a passé des milliers d’heures sur Internet. Sans succès. Pour survivre, il fait les poubelles. La famille de Phong ne peut y croire. D’autres témoignages sont tout aussi décourageants. Phong est saisi par ses fantômes.
Tai, son fils de 14 ans, tombe sur cette annonce : « Dan, un pilote d’hélicoptère basé à Than Son Nhut en 1969 recherche Kim. […] Si Kim veut parler à Dan, veuillez appeler M. Thien. » Diem, sa fille, l’encourage à appeler Thien mais Phong jette l’éponge. Non, ce Dan est un blanc ! « Rentrons chez nous. »

18 – Le passé et le futur – Delta du Mékong, 2016

Dan et Linda sont revigorés par leurs visites touristiques et les contacts avec les Vietnamiens, notamment à l’orphelinat qui accueille des enfants victimes de l’agent orange. Dan prend conscience de ce qu’on lui a demandé de faire. Tous ces fûts marqués de bandes de couleur ! Il se sent en colère contre lui-même, de ne pas être venu plus tôt, de ne rien faire.
Une femme demande à les voir : « Elle a dit qu’elle vous connaissait. Et elle se souvient que vous venez de Seattle. »
Ils se rendent dans un quartier résidentiel de Can Tho. Va-t-il rencontrer Kim ? La femme qui les reçoit pose beaucoup de questions. Elle connaît Dan effectivement. Elle est Quynh, la sœur de Kim. « Elle parla comme si chaque mot qui sortait de sa bouche était lourd, comme si elle crachait ». « Kim a donné naissance à une magnifique petite fille, Thu Hoa, Fleur d’automne. » De Trang, il reste une photo sur l’autel des ancêtres, à côté du bouddha rieur.

19 – La vengeance et le pardon – Can Tho, 2016

Lors de l’attaque de mortier, Kim tenait le bébé dans ses bras. Elle est morte et Quynh a survécu. De cela elle se sent coupable. Elle comprend la souffrance de Dan et se calme. Après la guerre, elle est venue s’installer dans une région où on ne la connaissait pas.
Des photos attirent l’attention de Linda : c’est le fils Quynh, son épouse et leurs deux enfants, « les piliers de sa vie. » Il est maître de conférences en commerce à l’université publique de Hô Chi Minh-Ville. Elle est devenue une femme d’affaires prospère, vendant des tissus à tous les tailleurs de la région.
Hoa n’a pas été blessée. « Hoa a été confiée à ses parents adoptifs le 28 août 1970. » Elle est née trois jours plus tôt. Quynh ne sait ce qu’elle est devenue. « Si vous trouvez Hoa, s’il vous plaît, soyez sa mère, au nom de ma sœur. »

20 – Noir contre blanc – Bac Lieu, 2018

Depuis deux ans, Phong a renoncé à sa demande de visa et se sent libéré. Il travaille toujours dans les rizières mais son entreprise de menuiserie décolle. Grâce notamment aux 2500 dollars envoyés par Dan, Linda et leurs amis. Les enfants de Phong communiquent avec eux, via les appels vidéo. Ils sont de la famille. Phong sait que la famille par le sang n’offre pas systématiquement de certitude de bonheur.
Thien l’appelle pour lui dire que sa mère l’a retrouvé et vient le voir cet après-midi. Phong se méfie. Il interroge cette femme qui prétend être sa mère. Les détails qu’elle donne concordent. Elle est au courant pour la tache de naissance. Elle lui raconte l’histoire de sa rencontre avec Tim, officier administratif qui travaillait dans les bureaux. Tim l’aimait follement et fut heureux lorsqu’elle se trouva enceinte. Elle rêvait déjà de rentrer aux États-Unis avec lui et leur enfant. Mais Tim est tué dans son bureau dans « une attaque ennemie ». Rentrer au village avec un enfant noir était impossible. Elle abandonne son fils en février 1972. Phong refuse de la croire.
Pourtant quelqu’un peut témoigner de sa détresse pendant la guerre. Un Américain, M. Dan, « le petit ami de ma sœur, en 1969. Ma sœur… ma sœur s’appelait Trang. »

21 – L’amour et l’honneur – Bac Lieu, 2019

Quynh est heureuse d’avoir retrouvé Phong et ses petits enfants. Elle aime être grand-mère. Ce ne fut pas sans difficulté car Phong l’aurait rejetée sans l’intervention de Diem, son épouse. Il était scandalisé qu’elle soit responsable de l’abandon de deux enfants : celui de sa sœur et le sien.
Il lui avait fallu plus de deux ans après la rencontre de Dan et de Linda pour entreprendre les recherches sur son premier fils. Comment imaginer que Phong habitait si près. Son fils Khôi ne supporte pas la révélation de l’existence de Phong. Il rompt avec sa mère.
Dan et Linda annoncent leur retour au Vietnam pour septembre. Ils travaillent dur pour apprendre le vietnamien.
« Quynh pleure en silence pour elle-même, pour Trang, pour les innombrables jeunes femmes dont la vie n’avait été que du bois à brûler dans le brasier de la guerre. »
En fait Tim n’a pas été l’homme formidable qu’elle a décrit. Elle l’a inventé. Phong est le produit de la prostitution et Quynh ne sait pas qui est son père.
« Phong s’était vu méprisé par un trop grand nombre de gens, qui l’avaient traité de bui doi, « poussière de vie ». Elle se devait de continuer à lui prouver, par tous les moyens possibles, qu’il était un enfant de l’amour. Elle respectait sa décision de rechercher les membres de la famille de son père. Si jamais il les trouvait, ou s’il trouvait son père, elle accepterait d’affronter les conséquences ; mais pour l’heure, elle le protègerait. »


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