La Poudre noire de Maître Hou
La Poudre noire de Maître Hou de Thanh-Van Tran-Nhut, née en 1962
Editions Philippe Picquier, 2002, 300 pages
Une enquête du mandarin Tân, un polar historique vietnamien
Une jonque chargée de marchandises de valeur est coulée à l’embouchure du Fleuve Rouge par des morts-vivants. La technique utilisée ici rappelle étrangement celle qui a valu la célébrité à deux héros de l’indépendance du pays : Ngo Quyen en 938 contre les Chinois et Tran Hung Dao contre les Mongols, 600 ans plus tard. La jonque s’est empalée sur des pieux plantés dans la baie d’Ha Long et deux femmes sont mortes, coincées dans la cale et transpercées par les pieux.
Le mandarin Tân commence à peine à mener son enquête que le comte Diem est assassiné sur le balcon de son palais et que des plaques tombales sont volées dans les cimetières par des morts-vivants dont la description ressemble à ceux qui ont arraisonné le navire. Lourde tâche que celle de résoudre ces trois affaires, qui vont progressivement se révéler liées.
Le Jésuite français, Hsiu-Tung, ami du mandarin Tân, avec qui il a de nombreuses conversations sur les sciences et les croyances va contribuer à la résolution des trois affaires, au péril de sa vie.
Deux femmes de grande beauté, Mme Aconit, gardienne de la prison, et Mme Libellule, belle-sœur du comte Diem et épouse de l’eunuque Clémence, intriguent le mandarin Tan.
C’est au retour d’un voyage éclair en Chine pour se documenter sur les pratiques et les théories du maître chinois du Jésuite Hsiu-Tung que la lumière sera faite.
Haut du formulaire Bas du formulaire. On ne s’ennuie pas à la lecture de ce roman aux nombreux rebondissements dont les ressorts ont deux origines : la recherche du profit et la recherche de l’immortalité. Dieu et l’argent.
Mais la toile de fond historique reste mince : la présence des missionnaires français est assurée par le seul Jésuite Hsiu-Tung, celle des marchands portugais du port de Fai Fo, actuelle Hoi An, est esquissée.
La confrontation des visions du monde et de l’au-delà selon le Confucianisme, le Culte des ancêtres, le Taoïsme, le Moïsme et le christianisme est intéressante. Elle montre combien les croyances et les rites des différentes religions ponctuent la vie quotidienne des Vietnamiens. Les soins se font par les plantes, les poudres, les insectes, les cristaux de quartz et autres produits improbables. Les religions qui interfèrent sans cesse dans les enquêtes du mandarin.
Les pratiques ésotériques et alchimiques donnent cependant lieu à des développements un peu longs.
Mme Aconit est une adepte du moïsme, doctrine de Mo-tseu. D’abord disciple de Confucius, Mo Tseu l’a ensuite combattu, « critiquant les piliers mêmes de la société : famille et respect dû au rang social. Foulant aux pieds le caractère sacré des ancêtres, faisant preuve d’un altruisme indifférencié, les moïstes étaient la lie de la société. Avec leur idéal de liberté, ils auraient vite fait de démanteler les fondations d’une structure que des générations de lettrés avaient mis à instaurer. » p.151
Les réflexions du Jésuite consignées dans son cahier noir et son déchirement au moment de quitter l’Orient pour retrouver sa Bretagne natale reflètent les interrogations sincères d’un homme traversé par le doute.« Parti de France avec l’idée que la Chine accusait un retard sur l’Europe dans bien des matières, il revenait avec la conviction qu’au contraire l’Orient précédait l’Occident dans nombre de domaines. » Une belle philosophie du voyage.
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