L’Odeur de la papaye verte de Tran Anh Hung
Film franco-vietnamien – 1993 – Couleurs
Caméra d’or au Festival de Cannes 1993 – César de la première œuvre
Avec Tran Nhu Yên – Khê, Lu Man Sa
Ce premier film d’un jeune réalisateur né au Vietnam et vivant à Paris depuis 1975, ne parle ni de la guerre d’Indochine ni de celle du Vietnam. C’est un film d’une grande lenteur, d’une grande beauté, qui montre la condition des femmes dans une famille bourgeoise de Saïgon avant la Seconde Guerre mondiale.
La femme, esclave de son mari – parasite et joueur- est la seule à travailler. Elle est pourtant blâmée par sa belle-mère, qui passe son temps à prier depuis que son mari est mort, des décennies plus tôt. Ses deux plus jeunes fils de 6 et 10 ans s’ennuient. Pour s’amuser, le plus petit passe son temps à tyranniser la petite bonne, à lui donner plus de travail. Le fils aîné vit sa vie sans se préoccuper du drame provoqué par la fugue du père avec les bijoux et les économies de la famille. A son retour, le père, mal en point, meurt, de quoi ? on ne sait.
En contrepoint, la petite bonne par sa présence prévenante et discrète, séduit son nouveau patron, l’ami intime du fils aîné, pianiste, qui par amour pour elle, rompt ses fiançailles avec une jeune fille de la bourgeoisie riche et cultivée. Un crime au regard de la morale confucéenne en vigueur à cette époque, car on ne doit pas déroger à son rang social. Curieusement, cet artiste n’a pas de parents dans le film, sinon ils auraient exigé que leur fils épouse la jeune fille de bonne famille qu’ils lui avaient choisie.
On peut en effet rapprocher l’intrigue du film d’un roman vietnamien de 1925, Un cœur pur, écrit dans une langue classique, qui raconte l’amour impossible entre une jeune fille de la bourgeoisie et un jeune écrivain parce que celui-ci a déjà une fiancée, choisie par ses parents. La jeune fille meurt de chagrin mais le jeune homme n’imagine pas un instant de passer outre la décision de ses parents. Ce roman a connu un énorme succès à sa sortie et a contribué à faire évoluer les mœurs au Vietnam.
Le film est un bijou : plans admirables, lenteur poétique, économie de dialogues. Les drames se nouent et se dénouent dans le silence.