Mission 11 – Chapitre 1

Septembre-décembre 2017

Journal de ma 11ème  mission de formation à l’Université nationale de Hanoi
Régine Hausermann, professeure de langue et de civilisation françaises

Des amie.e.s et des films

 

● Un accueil amical et quasi familial

 

Huong avait bien préparé mon accueil. Elle était là, souriante, dès que je suis sortie de l’aéroport de Noi Bai, après avoir obtenu facilement mon visa « de travail ». Un mois seulement depuis qu’elle avait quitté la France. Forte pluie sur l’autoroute. Arrivée rapide en cette heure matinale où Hanoi n’est pas encore complètement réveillée.
Des fleurs, des fruits, du thé, des gâteaux, dans « ma » chambre. La clim, TV5 en état de marche sur l’écran plat dont j’avais à peine eu le temps de profiter l’an passé. Avec la Wifi et la carte Sim, je suis parée.
Des fleurs, des fruits, du thé, des gâteaux dans mon bureau où nous allons chercher « mes affaires », celles que je laisse dans l’hypothèse du prochain retour.
Toc toc… C’est Ngoc Lan qui a séjourné en Préfassie de mai à juin. C’est Yen puis Phuong Lan, Préfassiennes. C’est Thuy-Lise, ancienne étudiante devenue professeure-stagiaire entre juin et août. C’est le doyen Vân qui vient me saluer !
Mes placards et mon frigo se remplissent avec jus de fruit, café, soupes et yaourts.
Et la carte de bienvenue !

 

« Notre très chère Régine, nous te souhaitons la bienvenue et nous espérons
que tu as eu un bon voyage.
Au plaisir de te revoir au sein de notre famille francophone. »

 

Phuong, Ngoc Lan et Yen, samedi 9 septembre au petit matin
Phuong, Ngoc Lan et Yen, samedi 9 septembre au petit matin

 

Samedi, l’orage gronde. Je range, je dors.
Dimanche vers midi, toc toc, je suis réveillée par Canh Linh qui m’apporte le bun cha. Elle me donne des nouvelles de sa famille, du département. L’après-midi, je me renseigne sur les classes inversées dont le Doyen semble un fervent partisan.
Vers 15h30, toc toc, c’est Thuy frisée qui sort « de prison » -selon ses mots – avec sa valise. Pendant trois jours, elle était « assignée à résidence » dans un bâtiment de l’Université pour le recrutement en master 1 qui nécessitent des mesures de confidentialité.
Elle m’emmène en voiture vers un café où je suis invitée pour l’anniversaire de Jean-Pierre, un ami professeur et journaliste que je connais depuis deux ans. L’assemblée est jeune et cosmopolite : espagnole, brésilienne, vietnamienne et française. Je déguste mon premier sinh to xoai (boisson à la pulpe de mangue). Presque tous sont professeurs ou plutôt donnent des cours de langue. Je retrouve Toan, professeur à Dai Hoc Su Pham (Université pédagogique). Le nombre d’endroits sympas pour prendre un verre ne cesse d’augmenter à Hanoi.
Puis Jean-Pierre arrive, surpris de nous voir réunis pour ses 56 automnes ! Il est ému mais réussit à souffler ses bougies. Certains proposent de poursuivre la fête. Je propose un restaurant de cha ca et nous voilà partis. Toan insiste pour que je monte sur sa moto : « Ce n’est pas loin et tu sais que je suis prudent. » Je me fais violence car le trafic est toujours aussi fou. Ouh la la !

 

Jean-Pierre et ses nombreux.ses jeunes ami.e
Jean-Pierre et ses nombreux.ses jeunes ami.e.s
Un peu plus tard au restaurant de cha ca
Un peu plus tard au restaurant de cha ca

 

● Au travail !

 

Lundi à 10h – J’ai rendez-vous avec le Doyen et les deux vice-doyennes pour affiner notre programme de travail. Où l’on reparle des classes inversées – dites aussi classes pilotes – qui ne me semblent pas adaptées au contexte. Kim Hoa, qui mène l’expérimentation, arrive vers 11h avec les trois jeunes profs engagées dans les deux classes-pilotes de 1ère année. Elles ont besoin de moi pour expertiser les documents qu’elles préparent et conseiller les deux néo-recrutées. Bon, je n’avais pas prévu la première demande mais je vais jouer le jeu pour pouvoir formuler un avis informé.
Avec Thuy frisée et Thanh Hoa les vice-doyennes, je règle quelques problèmes d’intendance dans mon bureau: l’écran de l’ordinateur « un peu griffé », la réinstallation de la Dropbox.

 

L’ordinateur fonctionne, je retrouve mes objets familiers
L’ordinateur fonctionne, je retrouve mes objets familiers

 

Mardi – 1er séminaire classes-pilotes de 8h à 10h30 pour travailler sur les documents collectés par Kim Hoa. Des problèmes. Je m’interroge. Pourquoi ne pas s’appuyer sur un manuel et l’adapter à ses objectifs ?
A 14h, Phuong Lan arrive pour reprendre le travail sur Camus en vue de sa thèse dont une soutenance intermédiaire doit avoir lieu en novembre.

 

Phuong Lan, Préfassienne 2005, qui travaille sur Camus

 

Mercredi – L’après-midi, 1ère séance de travail avec les deux stagiaires sur leurs fiches pédagogiques en vue de la préparation de leurs cours.

Jeudi – Dès 7h, je commence les observations de classes par celles dites inversées.
14h, premier séminaire généraliste. Nous arrêtons le programme des trois mois : travail sur l’argumentation, l’actualité en France, le dossier difficile d’AE4 sur les croyances et convictions (à la demande de trois profs) et la chanson francophone (sur ma proposition).
Après le séminaire, Thuy Aquableu vient me demander de travailler sur son prochain cours : comme elle a eu une éclipse de six ans pour mener à bien sa thèse, à Lyon, elle a besoin de se remettre en selle pour la pédagogie.

 

Mai et Thuy-Lise, les deux stagiaires en compagnie de Nhât Quang
Mai et Thuy-Lise, les deux stagiaires en compagnie de Nhât Quang

 

● Intermède très vietnamien, une remise de prix

 

Mercredi matin – Une cérémonie très vietnamienne pour remettre leurs prix aux trois lauréates du concours organisé par le magazine Sinh Vien (L’Etudiant). Les participant.e.s – plus de 700 – devaient écrire un texte sur l’Europe en vietnamien. Une des lauréates est étudiante de 2ème année au Département et gagne le voyage en Italie pour un texte sur sa perception de la vie en Europe : son propos, qui s’affiche en anglais sur un écran, parle de liberté, diversité, droits de l’individu.

 

En attendant les officiels
En attendant les officiels

 

Dans l’amphithéâtre Vu Dinh Lien, la cérémonie hésite entre célébration des lauréates et spectacle de variétés avec trois chanteurs bien connus des étudiants qui les acclament à gorge déployée !
De présentation dans les deux langues (vietnamien et anglais) en remise de diplômes et bouquets de fleurs, discours des officiels, chansons, la cérémonie traîne en longueur.

 

Les 3 lauréates, les 2 ambassadeurs (Italie et UE) et un artiste
Les 3 lauréates, les 2 ambassadeurs (Italie et UE) et un artiste

 

Plurilinguisme – On entend parler italien et français, vietnamien bien sûr.
Mention spéciale à Bruno Angelet ex-ambassadeur de Belgique, aujourd’hui ambassadeur de l’UE, résidant depuis six ans au Vietnam … et parlant très bien vietnamien, sans notes !
N’aurait-il pas épousé une Vietnamienne ? Je mène mon enquête après coup. C’est bien le cas.
Mais c’est l’anglais qui mène le bal. Las !

 

L’ambassadeur de France remet le cadeau « a trip to France » !
L’ambassadeur de France remet le cadeau « a trip to France » !

 

● Moments d’échange et moments culturels

 

Les déjeuners, que je partage le plus souvent avec un.e ou deux collègues souvent la professeure dont j’ai observé le cours : Thuy Aquableu, Viet Quang, Thuy Linh…
Quelques rituels : le repas d’accueil, les vœux d’anniversaire du 21 septembre, l’invitation de Van Dung et les affectueuses attentions de « mes jeunes profs » après le séminaire.
Rituellement, les week-ends restent calmes sur le plan relationnel car les Vietnamiens se consacrent à leur famille ou/et travaillent. Hier samedi, Jean-Pierre m’a emmenée sur sa moto prendre un bun tôm (soupe de nouilles et crevettes) rue To Hieu. J’ai hésité, pour la moto et la circulation anarchique, mais il conduit prudemment et le bun était bon !

 

Déjeuner d’accueil à Al Frescos
Déjeuner d’accueil à Al Frescos

 

De gauche à droite - Thuy Linh Ngoc-Lan Ma, Canh-Linh
De gauche à droite – Thuy Linh, Ngoc Lan, Mai Ly, Canh Linh, Huong*, Thuy-Lise*, Régine, Phuong Lan*, Giang, Hai*, Hoai Anh* et Thuy Aquableu

(Les Préfassiennes sont signalées par un astérisque)

 

Au cinéma : deux fois dès la première semaine !
Dang Thuy – alias Thuy frisée – se sent plus libre, maintenant que ses enfants ont plus de dix ans et comme elle a une voiture, même quand la clim est en panne, c’est génial !
Lundi 18 à 20h, dernière soirée du festival du film d’amour de Mons organisé par la Délégation Wallonie-Bruxelles au centre de cinéma proche du lycée Chu Van An.
Nous y allons avec Dung, neveu de Thuy et étudiant en 1ère année. Sur place, nous retrouvons Jean-Pierre et Hoa une étudiante de 4ème année.
Aurore Tabart de Blandine Lenoir avec Agnès Jaoui. Une quinqua galère, seule : elle est au chômage, ses enfants sont partis, elle va être grand-mère. Un jour, elle rencontre un amour de jeunesse … La vie d’une femme en France bien différente de celle d’une femme vietnamienne. Film de société traité sur le mode humoristique.

 

Dung, Thuy frisée, Hoa et Jean-Pierre
Dung, Thuy frisée, Hoa et Jean-Pierre

 

Hippocrate à l’Espace, vendredi soir.
La pluie qui tombe violemment depuis midi compromet notre sortie. C’est bon, nous nous lançons dans la circulation hanoïenne avec Thuy Aquableu. Je revois avec plaisir ce film de Thomas Lilti – médecin et réalisateur – avec Vincent Lacoste et Reda Kateb. Les débuts d’un interne – fils de mandarin – responsable de 18 lits. Pas le même « statut » que le FFI (faisant fonction d’interne) algérien pourtant plus expérimenté que lui ! Un film quasi documentaire, tour à tour, drôle, émouvant, politique.
Au séminaire du jeudi suivant, nous travaillons sur le lexique (carabin, caducée, acharnement thérapeutique, euthanasie…) le serment d’Hippocrate (comparaison du serment grec et du serment français moderne), l’exploitation pédagogique du synopsis et de la critique de Télérama… texte narratif, vers l’argumentation…
Après mon retour, Anh Tu me dira combien la projection du film dans sa classe a été appréciée : « Je veux t’écrire pour partager un écho sur « Hippocrate ». J’ai regardé le film avec les étudiants et leur réaction m’a étonnée. Même s’ils comprenaient mal les paroles ( je devais arrêter le film de temps en temps pour résumer ou vérifier leur compréhension), ils étaient attentifs. Certaines ont même pleuré en voyant la douleur soufferte par la malade âgée dans le film. Après, on a discuté sur l’euthanasie et on a rédigé ensemble un travail écrit sur « ce que fait ou doit être un bon médecin » : surtout compétent mais aussi responsable, brave, amical, décisif et avoir de la compassion. » Février 2018 – Un témoignage précieux pour la formatrice.

 

 

● Rencontre d’un ancien étudiant, Quy

 

A l’initiative de la radio VOV et de la vice-doyenne Thanh Hoa, je m’entretiens avec Quy. Le journaliste parle très bien français, me pose des questions sur mes missions, depuis 10 ans. Il m’interroge sur Préfasse. Comment nous sommes entrés en contact avec ce Département ? Il est ensuite curieux du séjour des Préfassiennes en France. Préfassiennes, il a dit préfassiennes ? Comment connaît-il le mot?
Par le site ! Qu’il a visité, qu’il a trouvé superbe ! Il a aimé les reportages. Ce que confirment ses yeux rieurs. Hors antenne, je le félicite d’avoir si bien préparé ses questions. Il me dit qu’il était étudiant en 2011 et que je l’avais « impressionné », que je lui avais appris l’emploi de « pareil » alors qu’il utilisait « même » de façon impropre. Une des joies du métier ! Et un bel encouragement à poursuivre !

 

Phuong, Ngoc Lan et Yen, samedi 9 septembre au petit matin

 

 

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