Mission 11 – Chapitre 2
Ouverture aux arts
● Dans les classes : langue et culture
En 1ère année – Les mercredi et jeudi matin, j’observe le travail des deux stagiaires recrutées à cette rentrée et qui exercent dans les classes pilotes (F5 et F6). Elles sont nées en 95 et 96 et n’ont aucune expérience pédagogique. Elles m’envoient leurs fiches pédagogiques que nous discutons le mercredi après-midi. Je donne des indications sur l’exploitation des supports. Je suggère de nouvelles pistes. Je commente les cours observés.
Nous apprenons aussi à corriger des copies. Les progrès sont sensibles. Thuy et Mai Ly sont studieuses et volontaires, à l’écoute. Déjà, je n’entends plus toute la classe répéter des phrases en cœur ! Déjà le vietnamien est moins employé ! Dans une des classes, Thuy a décidé de travailler sur un extrait d’un long poème d’Apollinaire que j’avais proposé lors du séminaire du mardi matin pour montrer que l’expression Il y a peut conduire à de la fantaisie !
Il y a
Il y a des petits ponts épatants
Il y a mon cœur qui bat pour toi…
Il y a une femme triste sur la route
Il y a un beau petit cottage dans un jardin
Il y a six soldats qui s’amusent comme des fous
Il y a mes yeux qui cherchent ton image
Il y a un petit bois charmant sur la colline
Et un vieux territorial pisse quand nous passons
Il y a un poète qui rêve au ptit Lou
Il y a un ptit Lou exquis dans ce grand Paris
Il y a une batterie dans une forêt
Il y a un berger qui paît ses moutons
Il y a ma vie qui t’appartient
Il y a mon porte-plume réservoir qui court qui court
Il y a un rideau de peupliers délicat délicat
Il y a toute ma vie passée qui est bien passée
Il y a des rues étroites à Menton où nous nous sommes aimés
Il y a une petite fille de Sospel qui fouette ses camarades
Il y a mon fouet de conducteur dans mon sac à avoine
Il y a des wagons belges sur la voie
Il y a mon amour
Il y a toute la vie
Je t’adore
En classe F1, la technique de l’exposé n’est pas encore au point. Une étudiante lit le texte le nez collé à son smartphone. Les documents sont quelquefois très mal choisis. Une photo de massifs français avec village et église au premier plan, pour illustrer les montagnes du Nord-Vietnam ! Cherchez l’erreur ! Soyez attentif.ve.s aux sources !
En 2ème année – Lundi matin en classe F1 – étudiant.e.s ayant appris le français au lycée -, à la demande de leur professeure, les étudiant.e.s ont préparé des sujets d’actualité. Ils doivent présenter un sujet et préciser le lieu, le temps, l’objet, les acteurs. J’entends parler des législatives allemandes et d’Angela Merkel, de la mort d’un cavalier français à 30 ans, d’une collection d’ao dai au siège de l’ONU à Genève, du Festival de cinéma de Busan en Corée.
Intéressant : les étudiant.e.s sont invité.e.s à s’ouvrir au monde et à parler. Mais certains exposés sont succincts et mal structurés.
Le professeur m’avait invitée à travailler sur un test de connaissances sur la civilisation française. Le manuel proposait un quiz, un peu daté, que j’ai adapté en posant 15 questions sur des sujets censés connus.
1. Quel monument n’est pas situé à Paris ? L’intrus était le Colisée mais certains ont choisi Notre-Dame, Orsay ou l’Opéra Bastille. La correction a permis – photo à l’appui sur l’écran de télévision – de préciser la fonction des bâtiments, leur style et leur époque. Beaucoup d’intérêt pour cette initiation à l’histoire de l’art en architecture.
2. Quel célèbre tableau de Léonard de Vinci est exposé au Louvre ? Sans faute !
J’avais prévu de leur montrer LHOOQ de Duchamp et la Joconde aux clés de Fernand Léger. Rires et étonnement. Je les amène à s’interroger sur le sens de ces œuvres de ces œuvres.
Jeudi, j’assiste à un très bon cours sur le fait divers : ses caractéristiques, sa structure…
Vendredi, je passe une heure en F4 pour travailler sur la lecture expressive de La Grasse matinée de Prévert, poème illustrant le dossier consacré à la consommation.
Il est terrible le petit bruit de l’oeuf dur cassé sur un comptoir d’étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l’homme
la tête de l’homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin…
● Des séminaires utiles
▫ Lundi après-midi, avec les professeures de 2ème année
Formation aux sujets de CE : textes avec QCM, textes et résumés à trous, textes assortis de questions Vrai/Faux/On ne sait pas.
Les participantes sélectionnent des textes « neufs » à découper de façon cohérente en fonction du nombre de mots requis, à questionner. Je corrige les propositions à l’avance et nous faisons le bilan des problèmes ensemble.
▫ Mardi matin, avec les professeures de 1ère année classes-pilotes
– Expertise des dossiers composés par Kim Hoa. Proposition d’activités et de supports autres. La poésie rencontre un franc succès : après Il y a, Comme un arbre dans la ville de Maxime Le Forestier, Au pied des tours de Notre-Dame de Francis Carco.
– A la demande des professeures, je conçois une fiche des notions de base : strophe, vers, rime, allitération…
▫ Jeudi après-midi, séminaires généralistes
– Exposés sur le cyclone Irma et les journées du patrimoine : les faits sont clairement présentés mais les problèmes posés ne sont pas aperçus. On creuse ensemble : les cyclones sont-ils aujourd’hui plus fréquents ? pourquoi les dégâts affectent-ils principalement les quartiers populaires ?
– La méthode de l’essai argumentatif : analyse de textes sur les JO 2024, deux tribunes du Monde dans lesquelles les participant.e.s devaient identifier les passages utiles pour un travail en classe.
Les notions de base, les temps employés, les connecteurs…
La salle des professeur.e.s où l’on se rencontre lors des pauses, où l’on peut grignoter, boire un thé ou un café et bavarder. Il reste quelques spécimens de sexe masculins. Trois Préfassiennes sur la photo : Huong et Thuy-Lise debout, Phuong notre boursière n°2 en 1998 avec l’écharpe orange et … 4 hommes.
● Fin de semaine au cinéma
Le programme de l’Espace était attractif ces deux dernières semaines. Et comme je suis accompagnée par mes amies Thuy frisée et Thuy Aquableu, le plaisir en est augmenté.
Revoir Indochine au Tonkin
Je ne voulais pas rater cette chance de voir le film de Régis Wargnier sur les lieux où il a été tourné et dont il raconte l’histoire. Vendredi 29 septembre à 20h, la salle est quasi remplie de jeunes Vietnamien.ne.s, pour beaucoup né.e.s après 1992, date de la sortie du film, il y a un quart de siècle déjà !
Plaisir de retrouver la voix et la gouaille de Jean Yanne, les débuts de la talentueuse Dominique Blanc, le charme sombre de Vincent Perez, l’éblouissante beauté de la jeune Linh-Dan Pham, le jeu intense de Catherine Deneuve dans le rôle d’Eliane, femme puissante et solitaire.
Plaisir de baigner pendant presque trois heures dans des paysages magnifiques, où je suis allée: les plantations d’hévéas du Sud, la citadelle de Hué, une pagode à flanc de montagne à Ninh Binh, la baie d’Halong et Tam Coc, la baie d’Halong terrestre.
Plaisir de se laisser porter par un récit romanesque et une réalisation somptueuse.
Du film, il me restait quelques images. Je redécouvre l’ange noir au costume blanc immaculé dont le premier acte de bravoure est de mettre le feu à une jonque chargée d’opium, quitte à en immoler les occupants. L’ordre colonial doit régner. Grand film d’amour, Indochine est aussi un grand film politique sur la colonisation : le paternalisme, la répression, les spoliations, l’exploitation.
L’action d’Indochine se déroule dans les années 1930, au moment de la création du parti communiste vietnamien par Ho Chi Minh. Fuyant sa mère adoptive et son cocon doré, à la recherche du bel officier dont elle est tombée amoureuse, Camille, princesse vietnamienne, est immergée dans la vie réelle de son pays. Sa cavale la conduit au bagne de Poulo Condor, à l’engagement avec les communistes, pour l’indépendance du pays. Le dernier plan du film a pour cadre Genève où se négocient les accords qui marquent la fin de la guerre d’Indochine et la fin de la colonisation française, en juillet 1954.
A plusieurs reprises, lors des scènes de brutalité et de répression, la salle frémit. Des écrans de téléphone s’allument. Les 160 mn du film filent. Thuy et moi sommes sous le charme.
Neuf mois ferme d’Albert Dupontel
Moins de monde que pour Indochine pour cette comédie aux accents burlesques. Sandrine Kiberlain est une juge d’instruction célibataire endurcie, bosseuse et promise à un bel avenir quand elle découvre qu’elle est enceinte de six mois. C’est pas possible ! Ses investigations lui révèlent que le soir du 31 décembre elle est sortie complètement saoule du palais de justice et a fait l’amour avec un inconnu. Justement un « taré débile » arrêté pour un crime sordide.
L’action conduit « les parents » à mieux se connaître. La célibataire devient mère, est mutée en province et s’adoucit. Quant au père, il n’est pas si « taré débile » que ça !
Dupontel est excellent dans le rôle du père. Burlesque dans la première partie, le film s’apaise, non sans réserver quelques effets comique désopilants comme la plaidoirie d’un avocat bègue !
Cyrano de Bergerac
Affluence hier, samedi 7 octobre, à 19h, pour le film tourné lors d’une représentation de juillet dernier à la Comédie française. Dans le rôle titre, Michel Vuillermoz, est magnifique dans la tirade du nez, comme dans celle du Non merci ! Les rimes d’Edmond Rostand sont jubilatoires. Loïc Corbery – le prof de philo de Pas son genre – est un Christian virevoltant. Françoise Gillard campe une Roxane féministe et énergique. Le décor et la mise en scène offrent des moments magiques : Roxane suspendue dans les airs, la cuisine de Ragueneau, le siège d’Arras. Dans le dernier acte – quatorze années après la mort de Christian à Arras – de jeunes religieuses attendent monsieur de Bergerac qui les régale de ses plaisanteries et de sa verve, chaque samedi. Roxane attend aussi Cyrano. Ce sera sa dernière visite. Ce sera aussi la révélation de son amour…Comme vous la lisez sa lettre ! C’était vous !
Après le film, je propose d’aller manger une kem (une glace) Trang Tien, les plus réputées de Hanoi, à deux pas de l’Espace. Thuy en mangera trois ! Il fait bon, presque frais. La pluie s’est arrêtée. Nous rentrons vers Xuan Thuy. La mère de Thuy Aquableu nous a rejointes.
Nous nous installons avec nos glaces sur des tabourets posés partout sur la chaussée et les trottoirs. Depuis quelque temps, les rues qui tournent autour du lac Hoan Kiem ainsi que plusieurs rues avoisinantes sont piétonnes du vendredi soir au dimanche soir. Une excellente initiative qui permet de se promener au calme !
● Jour de mariage à Hanoi
Emotion au Département cette semaine : Kim se marie ! Ses parents sont venus informer la direction et ont apporté les faire-part. Il faut dire qu’au Vietnam, le mariage se conçoit dès que les études sont terminées, vers 23 ans et doit être suivi d’une naissance dans les meilleurs délais ! Alors si vous n’êtes pas mariée à 40 ans, tout le monde s’inquiète.
Je ne suis pas vraiment surprise puisque le 27 mai dernier, j’étais témoin de Kim lors de son mariage avec Anh à Genas, près de Lyon !
Kim est Préfassienne 1999 avec Nga à l’époque où elles étaient étudiantes. Puis Kim est devenue professeure au Département. En 2010, elle est partie pour Genève, puis pour Lyon où elle termine sa thèse et où elle a rencontré Anh, un Français qui a quitté le Sud-Vietnam dans les années 70.
Aujourd’hui, samedi 8 octobre, elle a invité sa famille qui n’a pu faire le voyage en France en mai. Elle a aussi invité ses collègues, ses camarades de promotion.
11h à l’hôtel Hoa Binh, rue Ly Thuong Kiet. Tang et Nhu les parents de Kim sont très émus. Pas autant cependant que le 27 mai, via Skype. J’ai le privilège d’avoir participé aux deux mariages de Kim et Anh !
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