Mission 13 – Lettre de Hanoï N°3

Novembre dans les classes et sur les routes

Les cours du premier semestre se sont terminés le vendredi 29 novembre. Les examens commenceront dans une semaine pour les étudiant.e.s de 1ère année et dans deux semaines pour celles et ceux de deuxième année. C’est la saison des révisions et des bilans.
Une vingtaine de professeur.e.s du Département est partie à Siem Reap au Cambodge pour un séminaire interrégional. Au programme, trois jours de communications et la découverte du site d’Angkor. Au retour, les attendent les tâches de surveillance et de correction des épreuves. Pas de pluies diluviennes au Nord-Vietnam. Le temps est calme et frais, le plus souvent ensoleillé

● Observations des cours en 2ème année

Un lundi matin, analyse d’une image pour amorcer un sujet d’expression orale sur les canaux de l’information : un homme jongle avec un ordinateur fixe, un journal-papier, une tablette, un ordinateur portable, un téléphone et une radio.
Ngoc Lan interroge ses étudiant.e.s sur leur façon de s’informer. La réponse fuse : sur Facebook, Twitter ou You Tube. Elle leur demande qui écrit sur ces sites. Ils ne savent pas et considèrent que s’il y a des fautes c’est « inévitable » ! Ils aiment les faits divers et les échos de stars. Ils aiment lire les commentaires sur les infos données. Pourquoi ? Ngoc Lan les met en garde sur les infox et les incite à s’ouvrir au monde. Elle les stimule et prend le temps de les faire parler et réfléchir.


A 9h, reprise du travail sur Melancholia de Victor Hugo commencé lors du dossier sur le Travail.
Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Six étudiant.e.s sont volontaires pour dire les 22 premiers vers du texte ou un autre texte d’Agrippa d’Aubigné, Le Triste laboureur. Je corrige les erreurs de diction et conseille sur le ton à adopter.
Puis nous terminons l’étude des douze derniers alexandrins. Une séance agréable.
Le lendemain mardi, Thuy Linh entraîne sa classe à la Compréhension écrite de niveau B1. Titre du texte accompagné de QCM : Un ordinateur pour quoi faire ? La correction est précise.
On passe ensuite à trois exposés sur des artistes français. Bonne surprise ! C’est un prolongement du dossier Arts, traité deux semaines plus tôt.
Thuy Linh distribue une fiche pour évaluer les exposés par les 6 groupes constitués dans la classe. C’est la deuxième fois qu’elle procède ainsi pour initier ses étudiant.e.s à l’évaluation. J’apprécie cette initiative qui devrait être généralisée.

Georges Bizet

De nombreuses sur les diapos du Power Point. Chaque étudiant.e ne parle pas plus de 2 à 3 mn. L’une lit difficilement ses diapos. Un autre est plus à l’aise verbalement mais néglige de préciser les caractéristiques du romantisme. Carmen est mal résumée et le groupe n’a pas pensé à en faire entendre un extrait.

Marguerite Duras

Le groupe n’est pas à l’aise à l’oral. Le contenu est léger, voire faux. Aucune mention du lien de la romancière avec l’Indochine. Mais des listes d’œuvres.  Référence à trois reprises au Prix Goncourt obtenu pour L’Amant mais rien sur le contenu. Une dépendance excessive aux diapos. Une recherche insuffisante.

Jean-Luc Godard

Un début maladroit avec des dates éparses, dans un français hésitant. Puis une étudiante présente les films principaux du réalisateur, résume A bout de souffle et projette la bandeannonce. L’exposé est plus long et plus substantiel et se clôt sur un Quiz pour vérifier l’écoute des camarades. Une bonne idée mais les questions sont trop simples.
Thuy Linh sollicite les groupes évaluateurs qui font des remarques pertinentes. Elle les presse pour savoir ce qu’ils ont retenu. Elle signale les infos mal choisies, demande des compléments d’information, par exemple de citer les caractéristiques de la Nouvelle Vague.

Dans les quatre classes, les professeures s’appuient sur des documents de Compréhension Ecrite (CE) élaborés récemment dans le cadre d’un groupe de travail que j’animais. Les textes sont récents et les sujets divers : le tatouage, la santé des étudiants, les activités des seniors, le passeport vert. Le taux de réussite des étudiant.e.s permet de confirmer que le niveau de difficulté des textes convient.

● Observations des cours en 1ère année

Les thèmes des derniers dossiers – Souvenirs et Projets – introduisent l’étude de l’imparfait, du passé composé, du futur simple et du futur proche.
Lors des concertations, les professeures se plaignent de la passivité des étudiant.e.s. On peut identifier plusieurs causes :
– l’absence de motivation de trop nombreux/ses étudiant.e.s,
– les dossiers qui remplacent désormais le manuel Alter Ego et manquent d’attractivité et de cohérence, qui multiplient les exercices et ne contiennent pas assez de documents suscitant la curiosité et la réflexion.
Je suggère aux professeures d’aérer le cours, de l’ouvrir sur les connaissances en géographie, histoire, culture… adaptées aux débutant.e.s.

Entraînement à l’oral
On le pratique trop tardivement, la veille des examens. Il est trop négligé au quotidien. Faire lire et de faire parler, chaque jour. Travailler la phonétique, la musique de la phrase française, l’expressivité, la compréhension. Cibler les sons difficiles pour les étudiant.e.s vietnamien.ne.s.

Partir d’un texte pour identifier par exemple, trois sons voisins comme le é d’été, le è de mère, le e de je. Les faire dire et redire par les étudiant.e.s séparément et pas tous ensemble. C’est ce que j’ai fait dans une classe un matin : beaucoup de nos étudiant.e.s n’ont pas encore le réflexe de bien prononcer ce / ces / de / des / le / les
Les documents proposés pour les séances de révision de la dernière semaine sont souvent trop faciles et/ou trop mécaniques. Heureusement, plusieurs professeures ont pris l’initiative de remplacer les documents inadaptés.

Yen fait travailler sur le futur et Anh Tu corrige un exercice sur le passé composé au tableau
Yen fait travailler sur le futur et Anh Tu corrige un exercice sur le passé composé au tableau

● En classe de didactique de 4ème année

Les douze étudiant.e.s – dix filles et deux garçons – de cette classe de 4ème année ont le projet de devenir enseignantes de français, d’anglais, journaliste ou avocat . Je connais le professeur de la classe depuis 2006 et nous avons un déjà long compagnonnage. J’ai donné un cours de deux heures chaque semaine. Sur la lecture expressive en octobre. Sur l’analyse de l’image en novembre. Trois étudiantes et un étudiant sont ponctuel.le.s et assidu.e.s. Ce sont aussi celles et celui qui ont le meilleur niveau de langue. Difficile de communiquer avec les autres.
La compréhension de Barbara, le poème de Prévert, a pris du temps. Le travail sur la diction également. Enfin les étudiant.e.s ont appris le texte par groupe de 4 en se répartissant les 58 vers. L’initiation à la désignation des images selon la technique, le support et le sujet a pris du temps. Heureusement, ce type de travail est rendu possible par la présence de rétroprojecteurs dans toutes les salles depuis deux ans.

J’espère que la fiche-méthode travaillée avec les étudiant.e.s leur permettra, à l’avenir, de distinguer une huile sur toile, d’une aquarelle sur papier, d’une fresque, d’un graffiti, d’une nature morte, d’un paysage, d’une scène allégorique…
Nous sommes ensuite passés à la description d’un tableau : objets et personnages représentés, leur position, les plans / les lignes de construction, la perspective / les couleurs froides, chaudes … Sensibilisation aux mouvements artistiques et culturels : Renaissance, romantisme, réalisme, impressionnisme, surréalisme…

Après les exercices sur des œuvres permettant d’illustrer les termes spécifiques, analyse de deux paysages : l’un de Corot, Vue de Florence depuis le jardin de Boboli 1835, l’autre de Gauguin, Arearea 1892. Etonnamment les étudiant.e.s ont préféré le tableau de Corot à celui de Gauguin dont elles/ils ont trouvé les couleurs trop violentes !
Réaction amusée de Quang, leur professeur, qui pour sa part, préférait Arearea et n’était pas surpris du « classicisme » de leur choix.

Nous avons clos cette séquence par l’analyse d’affiches sélectionnées par les étudiant.e.s. L’une des photos prise par une étudiante était particulièrement intéressante. Les deux affiches placées dans un endroit stratégique, un carrefour très fréquenté, avec feu tricolore où l’on doit s’arrêter – même si certains y rechignent encore – et donc, regarder les affiches, à défaut de son téléphone portable !
Traduction à l’appui, j’ai compris que les deux affiches vantaient les mérites de deux laits chocolatés, l’un de la marque Milo, l’autre d’un nom voisin d’Ovomaltine. L’affiche verte annonce que c’est la boisson des champions ! La rouge – couleur du drapeau vietnamien – qu’il n’est pas besoin d’être champion pour l’apprécier ! Je devine une guerre commerciale, ce que Quang me confirme. Un procès est en cours. Conclusion de la séance : attention à la pub !

● Plaisir de dire – 3ème édition

Après la phase de sensibilisation dans les classes, le moment est venu de passer à l’étape d’inscription des étudiant.e.s souhaitant participer au concours. Le mercredi 13 novembre à 11h, une quarantaine d’étudiant.e.s de 1ère année viennent à la réunion d’information et de choix des textes. Phuong Lan, Anh Tu et Yen m’assistent pour assurer les traductions nécessaires concernant l’organisation.

Je lis une sélection de nouveaux textes qui s’ajoutent aux textes présentés dans les classes. Surprise! Les textes partent comme des petits pains. Deux des étudiantes avaient même apporté des poèmes de leur choix, pas faciles : un extrait des Poèmes à Lou d’Apollinaire et La Rose et le réséda de Louis Aragon!
Je propose des séances d’entraînement individuel. Entre la mi-décembre et le 6 décembre, les répétitions s’intensifient. Certains étudiant.e.s viennent trois ou quatre fois répéter dans mon bureau. D’autres se décident un peu tardivement. Je ressens une satisfaction à voir ces jeunes filles et jeunes gens améliorer leur diction et leur expressivité, parler aussi avec les mains, avec le corps. « Alors, Madame, je fais comme un comédien ? – Exactement !  »
Plaisir d’entendre les mots de Ronsard, D’Aubigné, La Fontaine, Hugo, Prévert, Desnos, Carco, Aznavour, Le Forestier…
42 étudiant.e.s sont inscrit.e.s en 1ère année pour dire 25 textes, certains textes longs étant partagés entre plusieurs. Et 17 en 2ème année pour 16 textes.
Cette semaine, de 7 à 13 comédien.ne.s en herbe sont venu.e.s chaque jour se préparer au concours. Cet après-midi, un étudiant de 2ème année, qui parle bien après ses trois années de français au lycée et son Delf B2, me confiait que c’est la première fois qu’il est en contact avec la littérature française et que c’est un grand frisson de dire un texte si plein d’émotion et de sens.

Répétition de La Terre meurt de Charles Aznavour
Répétition de La Terre meurt de Charles Aznavour

● Ateliers et séminaires

► Pédagogie

Discussions utiles sur l’évaluation des travaux écrits lors des ateliers du lundi.
Intérêt très net cette année pour les ateliers de lecture expressive qui permettront aux professeures de mettre davantage l’accent sur cette activité en classe.

Bich, Mai Ly, Anh Tu et Yen en action !
Bich, Mai Ly, Anh Tu et Yen en action !

►Séminaires « d’ouverture » du jeudi après-midi

Que peut-on voir à la télé française en une semaine ?

Mai Ly et Thuy Linh ont épluché trois numéros de Télérama que j’ai apportés. Elles ont préalablement étudié la multiplicité des chaînes apparues depuis les années 80 : chaînes privées et publiques, généralistes et spécialisées, chaînes d’infos en continu… Un paysage très différent du Vietnam.
Elles ont sélectionné des programmes de documentaires qui permettent de connaître la société française. Je parle de quelques-uns des programmes que j’apprécie : La Grande Librairie animée par
François Busnel, Cash Investigation et Envoyé spécial, magazines d’investigation dirigés par Elise Lucet. Trois programmes de France Télévision !

Préparation de la visite à la cathédrale Saint-Joseph de Hanoï

– Présentation du plan de la cathédrale et définition du vocabulaire architectural de base, inconnu des professeures : nef, bas-côté, chœur, abside, chevet… Orientation des églises et signification. Identification des styles roman, gothique et néogothique. Saint-Joseph de Hanoï, construite entre 1882 et 1886 s’inspire de Notre-Dame de Paris. Choix de photographies pour se familiariser avec les styles. – Initiation aux scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament présentes dans les peintures et les sculptures chrétiennes : l’Annonciation, la Visitation, la Nativité, l’Adoration des bergers, des mages, la Circoncision, la Fuite en Egypte, la Vierge à l’enfant, la Piéta…

 L’Annonciation de Fra Angelico, Florence
L’Annonciation de Fra Angelico, Florence

A partir des définitions envoyées, les professeures présentes au séminaire sont invitées à reconnaître les scènes que j’ai sélectionnées. Un intérêt très marqué pour cette activité.
– Envoi d’un document complémentaire pour décrire un saint ou une sainte représenté.e sur les vitraux de Saint-Joseph. Chaque participante devra pouvoir commenter deux ou trois saint.e.s.

● Jeudi 28 novembre à 14h à Saint-Joseph

Des ouvriers installent le sapin devant le parvis de la cathédrale. La crèche présente un collage de plusieurs scènes : la Nativité en présence de deux bergers et d’un roi mage âgé– c’est Melchior – dont le chameau est couché sur la gauche ! A demi-dissimulée derrière un poteau de l’étable, ne serait-ce pas Elisabeth, cousine de Marie et mère de Jean-Baptiste ?
A quoi servent ces niches de chaque côté des tours ? Observez celle du centre, sous l’horloge. Elles abritaient des statues qui ont dû être cassées à certaine époque de l’histoire du pays.
Mais au fait, quelle est l’orientation de la cathédrale ?

Lien active la boussole de son téléphone. Stupeur ! La cathédrale est à l’envers : son chevet à l’Ouest, côté soleil couchant !
La cathédrale est un de ces lieux de Hanoï prisés des photographes, comme l’hôtel Métropole, l’Opéra ou le musée ethnographique. Une jeune femme en tenue légère y prenait la pose sur fond de façade néogothique !

En faisant le tour du monument par le côté gauche, on s’arrête devant un groupe monumental. « C’est Laissez venir à moi les petits enfants ! s’écrient plusieurs voix. – Bravo ! » Plus loin, un bas-relief peint, assez naïf, des rois mages dans le désert, alertés de la Nativité par l’étoile qui les conduit vers Bethléem.

A côté, un immense bas-relief en cuivre offre un magnifique objet d’étude et de reconnaissance des scènes du Nouveau Testament à son registre inférieur : l’Annonciation, l’Adoration des mages et la Nativité, le Baptême de Jésus, la Résurrection avec ses soldats romains apeurés, la Cène où l’on reconnaît Judas serrant la bourse de la trahison.
L’une reconnaît le Déluge au-dessus de l’Ange Gabriel et de Marie.
Au-dessus du Baptême de Jésus, un vieil homme tient un livre dans ses mains sur lequel sont gravés des chiffres de I à X. Qu’est-ce que c’est ? Ce sont les Tables de la Loi dont nous n’avons pas parlé en séminaire. Je raconte l’épisode de l’Ancien Testament : le peuple d’Israël a fui l’Egypte et traversé la Mer Rouge qui s’est refermée sur l’armée de Pharaon. Lors d’une halte dans le désert du Sinaï, Dieu dicte à Moïse les Dix Commandements ou Décalogue en signe d’Alliance.

Le Chrisme
Le Chrisme

Une autre aperçoit l’alpha et l’oméga – dont nous avions parlé en commentant le chrisme en lettres majuscules. « Je suis l’alpha et l’oméga ».

On entre dans la cathédrale par le côté droit et l’on se rend face au portail central pour observer la nef et les bas-côtés, leurs arcs brisés et leurs dimensions assez modestes. Pas de transept. Une tribune audessus de nous. Plus loin un confessionnal dont j’explique la fonction. Puis nous commentons les vitraux : Saint Roch et son chien, Sainte Claire, Saint Louis et Saint Michel Archange… Certaines ont très bien préparé la visite. Le chemin de Croix retient notre attention. Et aussi André Tran An Dung Lac (1795 -1839), prêtre catholique décapité sous le règne de Minh Mạng et canonisé en 1988.

La nef et le chœur
La nef et le chœur
Le martyre d’André Dung-Lac
Le martyre d’André Dung-Lac
Retour sur le parvis
Retour sur le parvis

La nuit tombe. Il est 17h30 mais personne ne semble avoir envie de partir. Plusieurs n’étaient jamais entrées dans la cathédrale et toutes sont étonnées de ce qu’on peut voir quand on sait regarder. Je suis fatiguée mais ravie et j’ai soif. On va boire un verre !
Comme cinq professeures assidues aux séminaires ont été empêchées par des convocations de l’Administration, j’ai prévu une visite de rattrapage mercredi prochain.

● Rencontres avec l’AAFV

Mercredi 13 novembre, je rencontre Nicole et Raymond Trampoglieri à l’invitation des boursières que nous avons co-accueillies depuis 2015. Manquaient Tu Linh et Thu Ha qui n’ont pu se libérer. Thuy-Lise est partie avant la fin du repas. J’avais pourtant suggéré à Huong de trouver une date propice pour toutes.
J’ai rencontré une nouvelle fois nos ami.e.s de Choisy-le-Roi juste avant leur départ et leur ai parlé de la prochaine boursière, sans écho de leur part. Quelques jours après, j’apprenais que le Comité du Val-de-Marne de l’AAFV avait mis fin à son partenariat avec PREFASSE. Nous le regrettons et nous les remercions pour leur engagement de cinq ans.

Huong nous a présentés son petit garçon qui aura bientôt un an
Huong nous a présentés son petit garçon qui aura bientôt un an

● Week-end des 16 et 17 novembre à Pu Luong – Harmonie dans la nature !

Cette année nous avons décidé, dès mon arrivée, de programmer une sortie entre ami.e.s. Deux fois déjà, Dang Thuy avait organisé une sortie dans la région de Ninh Binh, sur le site de la baie d’Halong terrestre. Mais depuis 2015, rien ! Fi de la procrastination ! Cette année on le fait !
On renoue avec le plaisir d’être ensemble, hors des murs du boulot. Destination Pu Luong, un site que je ne connais pas, assez proche de Mai Chau mais encore à l’écart des flux touristiques. Il semble que le village veuille développer un accueil limité à des « homestays » pour accueillir des touristes individuels et à quelques rares structures plus importantes comme notre hôtel mais construites en harmonie avec la nature et dans le style thaï, celui de l’ethnie locale.

Vue depuis les larges balcons des chambres
Vue depuis les larges balcons des chambres

Vue depuis les larges balcons des chambres L’hôtel enfoui dans la végétation Départ de Hanoï à 7h30. Arrivée vers midi. Le voyage est long mais le site est splendide. Rizières en terrasses aux teintes jaunes après la récolte. Palmiers. Toits de chaume. Ondulations montagneuses de l’autre côté de la vallée. Et le silence !

Premier repas sur la terrasse panoramique du restaurant. Café sur le balcon
Premier repas sur la terrasse panoramique du restaurant. Café sur le balcon
Après-midi sur les chemins de campagne. Le pont suspendu - Les norias
Après-midi sur les chemins de campagne. Le pont suspendu – Les norias
Des femmes thaïs gardent les buffles. La nuit tombe - Un paysan ramène ses bêtes au village
Des femmes thaïs gardent les buffles. La nuit tombe – Un paysan ramène ses bêtes au village

Retour au logis pour un moment de détente avant le repas du soir. Ensuite nous descendons vers la place du village en contrebas pour assister au spectacle donné en l’honneur de la fête de l’amitié des ethnies. Plusieurs jeunes femmes qui assurent le service à l’hôtel chantent et dansent sous les étoiles dans leurs costumes thaïs. La musique est dansante et met les corps en mouvement. Je prends Thu Ha par la main et nous nous mettons à danser à l’arrière du public. Mais on nous regarde ! Rires !
Le lendemain matin, en route pour une balade vers la vallée. Lucile en pull rayé est arrivée de Ha Long, où elle est professeure, la veille, pour se joindre au groupe. Adrien est professeur au Département depuis la rentrée dans les classes de 1ère année. Comme Lucile il est originaire d’Amiens et titulaire d’un master de FLE. Il a pas mal bourlingué malgré son jeune âge. Il a enseigné quatre ans dans une université chinoise.
La pente est rude. Je pense à la remontée… Des bananiers, des maisons enfouies dans la végétation.

Des bananiers, des maisons enfouies dans la végétation

Des maisons anciennes rénovées, de nouvelles constructions bordent le chemin, les fameux
« homestays ». Une femme cueille de l’herbe qu’elle jette dans sa hotte. A un endroit, le regard du groupe est attiré par un rocher, piédestal idéal pour la photo devant un paysage sublime. Même les plus réfractaires finiront par monter sur le rocher !
Le groupe n’est pas au complet car quelques-unes avaient pris de l’avance. Plus loin des femmes et des hommes construisent une maison, d’autres en remettent une ancienne en état. Une grand-mère et sa petite fille en vêtements thaïs. Des canards, des poules.

Lucile en pull rayé. Yen et son « fiancé » Vinh. Anh Tu en chemisier multicolore et Thuy Aquableu en rose
Lucile en pull rayé. Yen et son « fiancé » Vinh. Anh Tu en chemisier multicolore et Thuy Aquableu en rose
 Canh Linh et décolleté bleu, Adrien, Thuy Linh et les amoureux de dos
Canh Linh en décolleté bleu, Adrien, Thuy Linh et les amoureux de dos

En remontant la côte, une moto s’arrête près de moi. Un Français, parti la veille de Hanoï qui a dû faire une halte en route après s’être perdu et qui est manifestement fourbu ! Arrêt dans une maison thaï. Déjeuner et départ pour la capitale, son bruit et sa pollution. Nous rentrons par une route spectaculaire jusqu’à Mai Chau et la descente vers Hoa Binh.

● La fête des enseignants, le 20 novembre

Le mardi 19, les cours s’interrompent à 10h pour laisser place à la fête à l’amphithéâtre Vu Dinh Lien. Les retraité.e.s sont déjà là : les femmes en ao dai, les hommes en costume. Les professeures arrivent. Le buffet est dressé. Yen est la maîtresse de cérémonie. On prend des photos. Cette année les professeures n’ont pas eu à porter l’ao dai bleu de l’an passé.


Surprise ! On m’appelle pour me remettre une distinction, le diplôme du mérite. Traduction du texte en vietnamien :

République socialiste du Vietnam
Indépendance – Liberté – Bonheur

Le Président de l’Université des Langues et des Etudes
Internationales – Université nationale du Vietnam à Hanoi
Décerne le diplôme du mérite
À Madame Régine Hausermann
Présidente de PREFASSE
Pour avoir contribué à l’enseignement, aux recherches et formations des enseignants du Département de français de l’Université nationale.

Hanoi, le 14 novembre 2019
Le Président Do Tuan Minh

Le Doyen se félicite de la coopération avec PREFASSE depuis 1997. Il précise que cette année, ce sont quatre membres de l’association qui viendront renforcer le potentiel de formation de l’Université. Le lendemain est férié à l’Université de langues. Je reçois quelques visites, quelques cadeaux et bouquets de fleurs. Déjeuner entre amies. Puis je reprends le travail de répétition pour Plaisir de Dire.

● Week-end des 23 et 24 novembre à Cat Ba – Convivial et touristique !

L’Université de langues a invité les professeur.e.s étranger.e.s à deux jours de détente à Cat Ba une des grandes îles situées dans le Sud de la baie d’Ha Long. Départ vers 8h pour seize professeur.e.s, une vingtaine d’ agents du bureau des relations internationales et le président de l’Université. On prend le pho du petit-déjeuner en route. Quelques heures plus tard, arrivée à l’embarcadère du bac que nous attendons sous le soleil. D’énormes pylônes attirent le regard. C’est une télécabine en construction pour relier l’île au continent. Personne ne peut me dire si c’est POMA qui la construit.


Le bac arrive. Une demi-heure plus tard, motos, voitures et piétons débarquent. Notre bus suit la route du littoral. Un chantier coupe la circulation. Il faut faire demi-tour. Pas évident avec un aussi long véhicule ! Enfin on arrive à l’hôtel, à flanc de colline. Après un déjeuner copieux et savoureux, on s’installe dans les chambres avec vue plongeante sur la mer. Mélange de nature et de culture : du vert et du bleu ponctué de jaune : celui du toboggan à droite et de la grue à gauche. Un immeuble en construction ici aussi. On ne peut s’empêcher de se poser la question sur qui peut acheter tous ces appartements. On craint la bulle immobilière

Croisière vers l’île aux Singes. Les villages de pêcheurs existent toujours, à deux pas des immeubles de luxe destinés aux touristes étrangers mais aussi aux Vietnamiens aisés.

Certain.e.s ami.e.s du groupe montent au sommet de l’île. D’autres jouent avec les singes. Un groupe est venu avec un ampli qui crache des variations bruyantes autour de « Happy birthday ». Mais la magie du site à la tombée de la nuit, sous un ciel qui se couvre de nuages, continue à agir.

Dîner dans un restaurant sur le port où nous sommes les seul.e.s client.e.s. Très grande salle avec une scène. Je vois venir la suite ! A ma table deux professeurs Etats-Uniens et deux Egyptiens, Mai Van Hoa, mon amie francophone du service des relations internationales que je connais depuis treize ans. Mon voisin de chambre Chris est originaire du Kansas. Je le côtoie depuis plusieurs années et il me dépanne gentiment lorsque j’ai un souci avec la télé. Après quelques années d’enseignement, il travaille maintenant à l’élaboration des tests. Il apprend le vietnamien et se débrouille bien ! Blake, accompagné de sa petite amie vietnamienne, est un garçon joyeux et expansif qui songe à rentrer au pays pour y faire un « PhD » – une thèse – en économie, sa spécialité. Il pense aller à l’Université de Laramie, Wyoming. Laramie ! Quelle coïncidence, j’étais à Fort Laramie en septembre. Il est originaire de l’Utah, le pays des Mormons que j’ai visité deux mois plus tôt.

Au centre, ma voisine coréenne, à droite une jeune Chinoise très sympathique - Blake et son amie
Au centre, ma voisine coréenne, à droite une jeune Chinoise très sympathique – Blake et son amie
Chris, l’Etatsunien - Mostafa, mon voisin égyptien du rez-de-chaussée
Mostafa, mon voisin égyptien du rez-de-chaussée – Chris, l’Etatsunien

A la table voisine, circule une bouteille de whisky, puis deux, puis trois ! Les autres tables sont invitées à trinquer. Un Aberlour 12 ans d’âge ! Oui, bien sûr mais pas cul-sec. En vietnamien on dit tram va tram, 100%. L’ambiance monte ! C’est l’heure du chant et de la danse.

La soirée s’ouvre avec Tombe la neige, un grand classique au Vietnam. Je ne chante pas mais comme l’orchestration est rythmée, je vais danser sur scène. Les chanteurs se succèdent. Chaque pays doit contribuer ! Vers 22h, les participant.e.s commencent à rejoindre leurs lits.

Dimanche, le ciel est gris, il a plu. Randonnée dans le parc national de Cat Ba pour les plus matinaux. Il faut grimper pour admirer ce paysage grandiose et sauvage.

Ils y étaient ! A droite, le 2ème collègue égyptien et son épouse
Ils y étaient ! A droite, le 2ème collègue égyptien et son épouse

Après le déjeuner, on prend le chemin du retour. Nous devons traverser l’île car le bac de la veille est interrompu à cause des travaux sur la télécabine. A l’intérieur, très peu d’habitations mais la forêt partout. Une heure de croisière avec le soleil revenu ! Arrivée à Ha Long dont on aperçoit les bâtiments entre les rochers. Puis la route et les embouteillages. Arrivée à Hanoi vers 19h.

● Week-end des 30 et 31 novembre à Viet Tri – Familial et culturel !

Hoai est de retour au pays pour quelques semaines avec son mari Son et leur petite Elise qui aura deux ans dans quinze jours. Ils habitent en France où elle est maîtresse de conférences en Didactique à Arras et lui chercheur dans un labo d’Intelligence Artificielle à Caen.
Nous entretenons des liens très étroits avec eux depuis qu’Hoai est venue faire son master puis sa thèse à Grenoble et Son sa thèse à Paris. Hoai a été Préfassienne en 2006 et elle est maintenant adhérente de Préfasse.
Grâce à l’élargissement de la route, le trajet est plus court. 1h et 20 mn plus tard, j’étais arrivée. Ils sont venus pour célébrer le troisième anniversaire de mort du père de Son et retrouver leurs proches. Je suis déjà allée deux fois à Viet Tri et j’y retourne avec plaisir. Lorsque j’arrive, les femmes sont occupées à la cuisine. Quatre générations sont réunies avec l’arrière-grand-mère de 94 ans.

Déjeuner en compagnie Linh, la sœur de Son et son beau-frère policier à la brigade criminelle.
Je l’interroge…pour savoir quel type de crimes domine. Surtout les crimes familiaux, liés à des questions d’héritage ou des jalousies familiales. Il doit partir rapidement car il est de garde ce week-end.
Hoai et Son qui connaissent bien mes goûts me proposent d’aller au musée.
Son a pu emprunter la voiture d’une cousine. Le grand bâtiment du musée est vide. A l’entrée, une jeune femme en survêtement et son fils. L’entrée est gratuite mais le musée ferme dans une heure. Zut ! La jeune femme nous accompagne, se met à commenter les objets exposés. Miracle ! Elle se révèle très compétente et nous offre une visite guidée passionnante jusqu’à presque 17h !
La statue monumentale d’Au Co et de Lac Long Quân, les parents mythiques de la nation, accueillent le visiteur. La région de Viet Tri est le berceau de la patrie, d’où sont natifs les rois Hung, les rois de la première dynastie, issus des noces d’Au Co et Lac Long Quân.
Suivent des vestiges de la pierre taillée, de la pierre polie et de l’âge de bronze. Des objets des ethnies locales. Des tambours de Dong Son dont notre guide nous explique l’évolution. J’ai soudain l’intuition que la jeune femme doit travailler sur les sites archéologiques tant elle répond avec précision et sans hésitation à mes questions. C’est bien le cas !

A la sortie, quatre femmes et un homme se font des passes de volley avec un lourd ballon de basket. Leur adresse est impressionnante.
La famille se demandait pourquoi nous étions partis si longtemps et fut bien étonnée de notre aventure au musée où personne n’est allé ! Linh dit qu’elle va y emmener ses enfants. Fin d’après-midi et un peu de repos dans la jolie chambre du nha nghi – l’hôtel – avant d’aller déguster des fruits de mer. Viet Tri by night. Tour de la ville en voiture. Des illuminations partout ! Promenade sur une nouvelle passerelle récemment inaugurée, très fréquentée et très bien éclairée.
Arrêt dans une boutique spécialisée en che, un dessert composé de fruits et gélatine sucrée, avant d’aller se coucher.

De gauche à droite, notre guide, son fils et Hoai
De gauche à droite, notre guide, son fils et Hoai

Le quartier est calme, à l’exception du cri du coq au petit matin ! Son vient me chercher pour prendre le pho ga avec Linh. Puis nous allons chercher Hoai, Elise et un oncle pour aller visiter le temple des parents légendaires du Vietnam, construit en 2007 selon les canons traditionnels. Assez réussi je dois dire. Dans un très beau site… qui attire les photographes de mariage !

Elise lance du popcorn aux poissons puis s’intéresse à un oiseau, dans les bras de Mamie Egine.
Nous nous arrêtons à l’entrée d’un temple de pèlerinage au parking gigantesque. Assis à l’ombre pour pique-niquer, un groupe de lycéen.ne.s se précipite vers moi pour parler anglais. Do you have time ? Mais c’est l’heure de rentrer. La visite au temple est écourtée. Après avoir déposé Elise chez la grand-mère, nous allons dans un restaurant « de chèvre » avec l’oncle qui
m’offre de l’alcool de riz d’une petite bouteille tirée de sa poche.

Nous allons chercher Elise et partons vers les tombeaux des rois Hung pour visiter le musée. Hélas ! Pas de gentille guide attentionnée mais des gardiennes peu concernées. L’une d’elle est cependant montée à l’étage pour éclairer les vitrines dans une salle déjà sombre vers 16h. Nous étions les seuls visiteurs. Retour à la maison puis vers Hanoï. Circulation intense vers la capitale. Des voitures, des camions et de nombreux jeunes à moto, sacs au dos.

 Mosaïque d’Au Co et Lac Long Quân au musée des rois Hung

Au-dessus de l’oncle Ho : « Les rois Hung ont fondé le pays. Ensemble, nous devons le protéger, » dit-il à des soldats. Que s’est-il passé à Viet Tri dans les années 50 ? Une question à creuser.

« Les forces qui participaient à l’opération  » Lorraine « , et dont certains éléments s’étaient avancés de quelque 80 kilomètres en zone vietminh, ont été repliées et sont maintenant concentrées dans un rayon d’une trentaine de kilomètres autour de Viet-Tri, sur la rivière Claire. Il est vraisemblable qu’une partie d’entre elles viendra renforcer les positions du sud du delta, où l’on s’attend à de nouveaux assauts. Le Vietminh, déclarait-on hier à Hanoï, aurait décidé d’engager sur l’ensemble des fronts d’Indochine une  » bataille de rupture  » en mettant en ligne tous ses moyens. » Le Monde, 20 novembre 1952

« Indochine : libération des prisonniers français du camp de Viet Tri dans la zone du Vietminh. Les personnes libérées sont transportées sur le Fleuve Rouge en direction du centre d’accueil français. Le photographe Claude Camus et le cinéaste Pierre Schoendoerffer qui filma pour les Actualités le siège de Dien Bien Phu, font partie des prisonniers libérés. » Archive INA du 9 septembre 1954