Mission 2
Septembre à décembre 2006
Journal de ma 2ème mission de formation à l’Université nationale de Hanoï
Régine Hausermann, professeure de langue et de civilisation françaises
Alexandre Minski, l’Attaché de coopération universitaire à l’ambassade de France à Hanoï a donc pensé à nous. En juin, il faisait savoir au président de Préfasse Jean-Marie Maillard que l’ambassade finançait le billet d’avion si j’étais volontaire pour une deuxième mission.
Objectifs : mieux cerner les besoins, mieux comprendre les modes de pensée et de fonctionnement, améliorer les compétences des professeurs et des étudiants, casser la routine.
Et aussi, approfondir les amitiés et les élargir, découvrir le pays en profondeur.
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Me revoilà à Hanoi, sa pollution, sa circulation, son bruit et son charme !
Un week-end pour s’installer. Je suis logée à l’Hôtel Mai Tam, petit hôtel proche de l’Université, où je dois parler avec les mains car personne n’y parle français ni anglais.
Balade dans le vieux quartier, très coloré car c’est bientôt la fête de Mi-automne, la fête des enfants. Une première pour moi. Les boutiques débordent de lampions, de jouets de toutes sortes. Ballet des parents à moto qui amènent leurs enfants pour choisir les objets qui les tentent. Bien entendu personne ne descend de moto pour faire son choix, ni payer.
Je suis toujours fascinée par les paquets de fils électriques !
Rendez-vous avec Kim à l’Espace, centre culturel français de la rue Trang Tien, près de l’Opéra. Resto « entre filles » et déambulation sur Hang Dao et autres rues de la vieille ville où se tient, chaque fin de semaine, un marché nocturne très fréquenté. Retour à l’hôtel à moto derrière une amie qui habite le quartier de Cau Giai comme moi. La gorge pique !
Dimanche « en famille » chez mes amis Bich et Hoa et balade vers le lac de l’Ouest où je retrouve le charme de la pagode Tran Quoc
● Lundi de fiançailles pour Ngoc et Giang
C’est le grand jour pour Ngoc et Giang, jeunes professeurs de français à l’ESLE-UN (Ecole Supérieure des Langues Etrangères de l’Université Nationale de Hanoï).
C’est un honneur pour moi et une « première » : suivre le cérémonial des fiançailles dans la famille Ngoc, Préfassien de l’année 2002. Les parents, grands-parents, oncles et tantes se préparent, les sept garçons d’honneur se coiffent, mettent leur cravate rouge et portent les énormes plateaux laqués de rouge vers les deux minibus qui nous attendent pour nous emmener chez la fiancée. L’un des sept étudiants en Génie civil qui assument la fonction de porteurs laisse tomber les offrandes qui, heureusement ne cassent pas et sont remises en ordre pendant le cours trajet. Ouf ! Le mal est réparé mais le garçon s’est senti mal !
Arrivée chez la fiancée Giang où sont déposés les plateaux chargés de fruits, de gâteaux de riz, de thé…. Les sept demoiselles d’honneur, étudiantes de l’ESLE s’empressent d’offrir le thé vert. Puis c’est le moment des discours entre les deux familles.
Mais où est Giang ? Ce n’est pas encore le moment pour elle de paraître. Elle attend son fiancé qui la rejoindra au premier étage pour se recueillir devant l’autel des ancêtres avant de se joindre aux parents et aux invités. Giang porte un superbe ao dai (prononcer [ao zai]) en soie abricot brochée de gros motifs floraux. Il faudra que je pense à lui demander l’adresse de la couturière. Le repas au restaurant avec la famille de la fiancée, les garçons et demoiselles d’honneur est délicieux, arrosé de vin rouge…ambiance assurée ! Comme je suis entourée de francophones, la communication est aisée. Un très bon moment !
● Au travail !
Préparation du programme le doyen Thuan et les vice-doyens. Binh et Thai. Mise au point de l’emploi du temps. Thuan me propose de participer au Séminaire régional francophone de Vung Tau, du 4 au 9 décembre. J’accepte avec plaisir et intérêt : ce sera l’occasion de rencontrer des collègues enseignant le français dans les universités du Vietnam mais aussi du Laos et du Cambodge.
J’apprécie d’avoir un bureau plus confortable et mieux équipé qu’en février-mars. J’ai un ordinateur avec un clavier Azerty et même Internet. J’attends le branchement de l’imprimante. Super!
Je reprends contact avec les étudiants et les réalités du métier dans les classes de 1ère, 2ème et 3ème années. Les cours se déroulent en présence des professeurs de la classe mais les plus anciens semblent préférer s’en aller. Comme je connais mieux les réalités de l’enseignement au Vietnam, il me semble que je suis plus à l’aise et plus efficace. Il faut tenir compte du fossé entre les classes d’excellence dont sont issu(e)s nos Préfassien(ne)s et les autres classes beaucoup plus hétérogènes.
Les cours aux étudiants commencent à 7h 30 et se terminent en général vers 11h. Tous les matins, j’interviens dans deux classes. En 2ème année, quelques cours sortent du lot :
– Discussion sur les relations parents-enfants: les motifs de conflits sont les mêmes que chez nous! Les relations avec les copains-copines, le « petit ami », les sorties, l’argent de poche, les études… Il semble que l’argent de poche mensuel tourne autour de 100 000 à 200 000 dongs (5 à 10 €). Séance animée et intéressante.
– Séance consacrée aux « fantasmes des Français », d’après un article de l’Express de 1989. Mis bout à bout, les textes étudiés par les étudiants se répètent et donnent des Français une curieuse image! Il faudrait changer de manuels et établir une progression de la 1ère à la 4ème année.
– Texte sur les « moi-je » et les « moi-nous ». Les deux types étant illustrés par deux hommes: Narcisse et Jean-Christophe. J’ai éclairé les notions de narcissisme et d’altruisme par des références culturelles à au mythe de Narcisse, à la psychanalyse, au christianisme, à Montaigne qui propose de « se prêter à autrui et se donner à soi-même ». Certains étudiants accrochent, pas tous hélas.
Le mardi matin et jeudi après-midi, je donne des cours aux étudiants de l’université Thang Long. J’en suis sortie un soir, épuisée par la chaleur: 20 étudiants dans une toute petite salle, sans la clim, avec plus de 30°, j’étais en eau. J’ai demandé une salle plus grande pour la semaine suivante!
J’anime deux séminaires pour les professeurs, les mardis et mercredis après-midi. Y participent des collègues du Département mais aussi d’autres établissements universitaires ou de lycées. Parmi les thèmes abordés : l’étude du texte narratif, les différents genres journalistiques, l’immigration, l’Islam et le Vatican en écho aux récentes déclarations du pape Benoît XVI. Les besoins portent sur deux domaines: la pédagogie et la civilisation.
Deux samedis après-midi avec les étudiants en master sur la synthèse : technique du résumé à partir de deux textes et synthèse de trois textes.
J’ai aussi corrigé de courts textes destinés à un manuel de 10ème (notre classe de 1ère). Il m’arrive de remplacer un professeur absent. Je quitte rarement le bureau avant 19h, sauf si je vais à l’Espace.
Deux collègues du Département âgées de 55 ans partent en retraite. C’est l’âge légal de la retraite pour les femmes au Vietnam. Discours officiels et amicaux, chansons: « Merci M. le professeur, je ne vous oublierai jamais… », « Aux Champs Elysées ». Je bavarde avec les Préfassiennes.
● Chaleur et transports en commun
En octobre, il fait toujours chaud et humide sur Hanoï et la circulation est toujours infernale !
Les trajets en bus de l’hôtel à la fac ou pour aller au centre-ville sont quelquefois difficiles surtout aux heures de pointe vers 7h et 17h ! Je deviens très avertie en matière de transports en commun, je prends les bus 32, 34 et 30. Je prends même des correspondances ! Ne soyez pas étonnés de ce court moment d’autosatisfaction que vous me pardonneriez aisément si vous aviez tenté de prendre le bus à Hanoi.
Les arrêts ne portent pas de nom. Le trajet n’est pas indiqué à l’intérieur du bus ni à l’extérieur. Pas d’abribus. Pas de plan disponible. C’est du moins ce qu’on m’a dit jusqu’à ce que j’en trouve un dans une boutique du vieux quartier. Donc, si vous ne connaissez pas la ville, que vous ne savez pas où vous êtes, vous êtes perdu ! Mais au moins, il y a des bus, ce qui n’était pas le cas lors de mon premier séjour en 1997. J’ai même une carte d’abonnée !
Je rêve de métro, de tramway car la traversée des grands axes est toujours une épreuve pour le piéton qui doit s’engager sur la chaussée et espérer que les vélos, motos, voitures et camions…l’évitent ! Certains jours, je suis en colère, j’ai peur surtout quand il fait nuit et que j’apprécie mal les distances. Je n’arrive pas à me décider. Quelquefois, j’attends que quelqu’un traverse et je lui emboîte le pas. Mais les piétons sont rares ici. Tout se fait avec un véhicule !
Comme les ventilateurs des salles de classe ne sont pas tous en état de marche et comme le circuit électrique est défectueux, il y a de nombreuses pannes de courant. Je sors de certains cours en ayant « mouillé la chemise » ! Depuis une semaine, le serveur de la fac est en panne et je suis donc coincée pour aller sur Internet. J’en suis réduite à aller au cybercafé, qui se trouve en face de mon hôtel … ce qui m’oblige à traverser une large avenue !
● Loisirs hanoïens
A l’Espace
Ils tournent essentiellement autour d’un lieu, le centre culturel français de la rue Trang Tien qui propose des expositions temporaires, des conférences, des concerts, des films.
J’y ai découvert un film de Benoît Jacquot, A tout de suite et revu avec plaisir Le Petit lieutenant de Xavier Beauvois.
Le premier film – qui m’a fait penser à A bout de souffle –, raconte l’amour fou et la cavale d’une jeune fille de bonne famille avec un jeune gangster très beau. La dérive du personnage incarné par Isild Le Besco dont le beau visage m’est familier depuis que je l’ai découvert dans Roberto Succo, donne lieu à quelques scènes « osées » : scène sexuelle avec son bel amant, scène de sexe à trois avec deux garçons rencontrés dans une boîte, scène homosexuelle. D’une scène à l’autre, la salle s’est vidée de tous ses spectateurs vietnamiens…ou presque. Lorsque la salle s’est rallumée, il ne restait plus que quelques spectateurs : des Vietnamiens d’âge mûr et les Occidentaux. Je me suis souvenue de l’effet que m’avait produit le film de Bertrand Blier, Les Valseuses en 1974, j’avais 30 ans. Je n’avais pas quitté la salle mais j’avais été choquée !
J’étais à l’heure pour la conférence de Didier Daeninckx, sur le roman noir. Très intéressant. Je me suis retrouvée avec Alexandre Minski, attaché culturel à l’ambassade de France avec qui j’ai parlé de Cannibale, Meurtre pour mémoire … Je n’ai pas vu un prof de la fac… sauf celui qui assurait la traduction simultanée et dont j’ai reconnu la voix dans les écouteurs. Un as que j’aime bien, très critique.
Mini festival de Cannes à Hanoi
L’Espace organisait la projection de films présentés à Cannes au Mégastar, cinéma « pop-corn » du centre- ville. J’y ai vu quatre films du jeudi soir au dimanche mais n’ai pas réussi à y entraîner des collègues ou des étudiantes, sauf pour l’un.
La Tourneuse de pages de Denis Dercourt tient grâce aux comédiens mais le scénario est faible. Discussion avec le réalisateur et la jeune Deborah François. Le réalisateur est content de lui parce que c’est le film français qui s’est le mieux vendu à Cannes et que les Américains ont acheté les droits pour un remake. Que demande le peuple!
Toni Gatlif présente Transylvania. De bons moments, de beaux plans de paysages mais trop de musique, trop forte, trop baroque ou surréaliste. Discussion peu intéressante.
Changement d »adresse de et avec Emmanuel Mouret, est une comédie que j’ai beaucoup aimée. Finesse, désirs, frustrations, colocation. Une bonne surprise! Hoa, une jeune collègue qui m’accompagnait pour se film, s’est bien amusée. Elle ne connaissait pas la salle et n’était pas allée au cinéma depuis longtemps. Mais elle a dû renoncer à voir le deuxième film de la soirée car elle devait aller préparer les poissons pêchés par son mari! Pas moyen de lui faire entendre que ça pouvait attendre 24h.
J’ai donc vu seule La Raison du plus faible de Lucas Belvaux. Un film désespéré, qui se passe dans le milieu ouvrier avec des acteurs si convaincants qu’on oublie qu’ils jouent un rôle, du cinéma-vérité.
Entre amis
Forte émotion en ce dimanche d’octobre, chez les parents de Ha, en regardant les photos du mariage de leur fille. Le 12 août, près de Moulins, Ha épousait Gilles, en l’absence des parents de Ha qui n’avaient pu venir en raison de la mauvaise santé de son père. Le 12 août, mon mari et moi étions un peu « les parents de Ha » car c’est chez nous, à Grenoble, que Ha est venue comme Préfassienne en juillet 2000, puis qu’elle est revenue en octobre 2002 pour la maîtrise et le DESS, puis qu’elle a rencontré Gilles.
Gastronomie vietnamienne
Grâce aux invitations de mes collègues et amis, chez eux ou au restaurant, j’approfondis ma connaissance des bons endroits et des bons plats vietnamiens. Je passe de la table recherchée d’un restaurant du centre-ville, calme et chic, au tabouret et à la table en plastique d’un restaurant de trottoir où l’on déguste l’un des meilleurs pho bo de Hanoï, juste en face du Temple de la Littérature ! Café en terrasse au bar branché situé sous la Tour du Drapeau. Plats mijotés par la maîtresse de maison: crevettes, nems, tofu, légumes verts dont j’oublie toujours le nom… Soirée entre femmes avec deux trentenaires qui me font rajeunir de trente ans.
Saison des mariages et des naissances
L’été est trop chaud. C’est pourquoi la majorité des mariages ont lieu à l’automne. Mais comme il semble que le mariage doive être rapidement suivi d’une naissance, c’est aussi la saison des naissances.
Mon premier mariage hanoïen : Ngoc et Giang
Samedi 7 octobre -17h – Maison de l’Amitié, rue Tran Hung Dao – 600 invités sont accueillis en haut des marches par les parents et les jeunes mariés. Beaucoup d’enseignants puisque seule la mère de la mariée ne travaille pas au Département de français de l’université. Selon la coutume, chaque invité dépose son enveloppe dans l’urne installée à l’entrée. Ce cadeau de mariage sert à financer les frais de réception. On me dit que le montant de l’enveloppe est de 50 000 ou 100 000 dongs selon les revenus de chacun.e, quelquefois plus. Près de l’urne, on peut signer le livre d’or et admirer les photos du mariage car, selon la coutume, celles-ci sont prises par un studio-photo dix à quinze jours avant la cérémonie. On y découvre les tourtereaux dans des costumes différents (à la vietnamienne, à l’occidentale). On peine à reconnaître la jeune mariée tant elle est maquillée et sophistiquée.
Puis on s’installe aux tables disposées dans l’immense salle pour attendre l’entrée des parents et des mariés. Un maître de cérémonie professionnel veille au respect du cérémonial. Ngoc et Giang suivent le tapis rouge qui les conduit à l’estrade, au son de la marche nuptiale de Mendelssohn et sous une pluie de confettis et de rubans. Devant un large rideau où sont inscrits leurs prénoms en lettres dorées sur fond rouge, les jeunes mariés échangent les alliances. Le père du marié remercie les convives. La mariée en robe blanche et le marié en costume sombre découpent la gigantesque pièce montée et font couler le champagne dans les coupes disposées en pyramide.
C’est le signal du repas, composé de dix plats, disposés sur les tables avant notre arrivée : crevettes, poisson, viandes…c’est délicieux ! Les mariés passent de table en table pour trinquer avec leurs invités regroupés en fonction des leurs affinités. C’est ainsi que je suis assise avec des collègues francophones de la fac. Ils ont à peine le temps de faire le tour de la salle que les premiers invités prennent congé.
A 19h, la grande salle est quasi vide.
En mars, j’avais assisté à un autre mariage, le premier pour moi, dans une banlieue encore rurale de Hanoï Le cadre était différent, le nombre d’invités moindre, le cérémonial moins imposant mais le déroulement identique. Evidemment cela ne laisse pas de surprendre une Française habituée à des rites différents. Quand je m’étonne de la rapidité des mariages vietnamiens, les Vietnamiens ont peine à imaginer les mariages français qui durent de 16h à 3h du matin, quelquefois plus, et où on reste à table des heures !
Deuxième mariage hanoïen : Vân et Duong
Mercredi 25 octobre – 13h – Vân est professeur à l’université Thang Long. J’ai fait sa connaissance cet été, à Grenoble où elle suivait une formation du Cuef. La cérémonie commence dans la famille de Vân avec du thé et des petits gâteaux servis en attendant le marié et sa famille. Un oncle de la mariée, ex-prof de chinois mais bon anglophone, et actuel PDG d’une entreprise de cent ouvriers qui fabriquent des tuyaux pour les égouts m’accueille chaleureusement.
La famille de Duong arrive. Après un échange de discours entre les représentants des deux familles, la mariée – qu’on avait tenue cachée – fait son entrée. Le jeune couple se recueille devant l’autel des ancêtres. La mère de Vân passe l’alliance au doigt du marié.
Puis on part pour la maison des parents du marié où Vân va habiter. Trajet en voiture avec le PDG, sa jeune femme et jolie qui conduit. C’est la première fois que cela m’arrive ici! Nouveaux discours des représentants des deux familles, prière devant l’autel des ancêtres, la mère de Duong passe l’alliance au doigt de Vân.
Puis tout le monde s’en va mais rendez-vous est donné à 17h, deux heures plus tard pour le repas à l’hôtel Kim Lien. A 18h, les 400 convives ont terminé le repas et s’en retournent à leurs occupations.
Je rentre en ville à moto dans la folle circulation hanoïenne avec une jeune collègue et sa mignonne petite fille de quatre ans.
Troisième mariage hanoïen : Thu Ha et Tiên
Hoa dépose son enveloppe dans l’urne
Dimanche 31 octobre – 11h – Je pars avec Hoa pour le mariage d’une jeune collègue de la fac, Thu Ha, qui était dans la même promo que Kim et Lan. Le repas se tient à la Maison des hôtes du gouvernement, non loin du mausolée de l’Oncle Ho. Il me semble que nous n’avons été invités que pour le repas, les autres moments ayant été célébrés dans un autre cadre. Mais la photo du couple entouré de ses demoiselles et garçons d’honneur laisse supposer que la fête fut importante.
Plats délicieux dégustés en compagnie des collègues. Retour vers 12h30.
Naissance du bébé de Diep, Préfassienne 2000
Diep a accouché d’un garçon vers le 24 septembre et a subi une césarienne. Je le sais par mes proches mais impossible d’avoir un contact téléphonique ou écrit avec Diep. Elle est très occupée par les soins du bébé et je n’ai encore pu la voir. Il semble que la coutume veuille qu’on ne puisse visiter la mère et le nouveau-né avant un mois.
● Le travail continue
– Après avoir fait le tour des classes de 1ère et de 2ème année, je constate que les difficultés majeures sont les suivantes : difficultés des étudiants à s’exprimer à l’oral et lacunes en connaissances générales (en géographie notamment). Ainsi les cours sont mornes sauf en classes d’excellence, et encore. Le problème dépasse celui de la maîtrise de la langue : il est culturel car les écoliers, collégiens et lycéens vietnamiens ne sont pas invités à prendre la parole. Il va falloir travailler sur cette compétence.
– Lors d’un séminaire à destination des professeurs travaillant pour l’AUF[5], j’ai parlé des actualités françaises: futures élections présidentielles (candidats à la candidature, mode de désignation, partis politiques, enjeux, emploi, salaire, service public, banlieue, immigration…). Bonne attention du public.
A l’ESLE, séminaires sur les caractéristiques du texte descriptif et sur l’analyse d’un texte littéraire à partir d’un extrait de Tanguy de Michel
– J’ai aussi conseillé une étudiante de 4ème année qui veut faire son mémoire sur l’autocorrection en EE (expression écrite) ce que je trouve intéressant et courageux vu les habitudes en matière de correction.
– A la demande de Diep, j’ai donné deux cours au lycée Chu Van An à des lycéens de 1ère et Seconde.
Très bonne séance en seconde mais classe désagréable « d’enfants gâtés » en 1ère.
– Rencontre avec Alexandre Minski, attaché à l’ambassade de France en compagnie du vice-doyen Binh. Discussion très cordiale sur ma mission jugée utile et efficace, sur les PUF[6], sur l’avenir de l’enseignement du français au Vietnam face à la concurrence de l’anglais.
– Déjeuner avec des directeurs de départements de français d’universités du Vietnam, du Laos et du Cambodge et Mai Yen, la responsable du CREFAP (Centre Régional de Formation Asie-Pacifique financé par l’AUF et l’OIF[7]) chargée d’organiser les deux séminaires régionaux francophones auxquels vais participer, en novembre à Vientiane et en décembre à Vung Tau.
– Visite à l’école hôtelière Hua Sua, financée par l’Espagne et la France et accueillant des enfants défavorisés: orphelins, enfants issus de familles pauvres, sourds et muets… Ils y apprennent la boulangerie et la pâtisserie françaises avec des professeurs vietnamiens venus se former en France. Les cours ont lieu en banlieue, au bord du Fleuve rouge, un endroit très calme…mais à 1h30 de moto de l’université. En plus des émotions, j’en ai pris plein le nez! J’étais contente de rentrer en bus.
L’école dispose d’un restaurant d’application en centre ville et d’un magasin de vente rue Quan Trung en face de l’ambassade du Laos. Je vous recommande l’adresse, les produits y sont délicieux.
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Escapades hors de Hanoi
Dans la rubrique Voyages, je parlerai des deux week-ends chez l’habitant à Nam Dinh et Bac Giang et de la dimension touristique des deux séminaires au Laos et à Vung Tau. Je me limite ici à rendre compte de la dimension professionnelle.
Un séminaire intéressant et joyeux
Vientiane, 14 au 17 novembre
C’est le premier séminaire organisé par le CREFAP pour les « jeunes enseignants-chercheurs » de Hanoi, Hué, Danang, Can Tho, HCMV, Phnom Penh et Vientiane. Huit de mes collègues de Hanoi y participent : six « jeunes » et deux « professeurs chevronnés ».
Echanges d’expériences, ateliers sur l’écriture scientifique, l’analyse d’un questionnaire de master, mises en commun. De bonnes interventions, d’autres moins…mais un usage excessif et mal maîtrisé de Powerpoint ! Des personnalités se révèlent, plus ou moins sympathiques.
Je participe à l’animation des groupes, j’aide les jeunes collègues de Hanoi, à construire leurs interventions, à travailler l’expression orale, à réduire ou accélérer leur débit. J’interviens sur la formation des enseignants en reliant le terrain et la recherche.
La présentation de PREFASSE a fortement intéressé les collègues des autres universités et plusieurs souhaiteraient avoir un partenariat avec nous.
Je fais la connaissance de Dung, un enseignant-chercheur de Danang – la cinquantaine – qui a fait une très bonne intervention sur la démarche de recherche et qui a beaucoup d’humour.
Soirée festive au bord de la piscine d’un hôtel de luxe. Danses laotiennes par des étudiantes de l’université suivies de travaux pratiques pour les congressistes ! Superbe soirée, il semble que les Laotiens aient le sens de la fête.
A Sapa, avec les professeurs étrangers du Département
Week-end du 24 au 26 novembre
A peine rentrée du Laos, j’apprends que l’Université organise un voyage pour les professeurs étrangers. Informée à 14h, je prends le train de nuit pour Lao Cai à 21h20!
Ceux qui connaissent Sapa comprendront mon plaisir de retrouver l’endroit sept ans après mon premier séjour. J’ai revu l’hôtel Green Bambou, rénové, le marché, les femmes daos rouges et hmongs noirs. Je suis repassée sur les mêmes sentiers. J’ai revu l’école où nous avions piqueniqué. Les enfants étaient en classe. Les marchandes d’artisanat un peu plus « collantes ». Les magasins rénovés. Le petit resto rustique proche de l’hôtel est remplacé par un resto indien, dommage ! Il y a aussi beaucoup plus de monde mais Sapa reste une destination de toute beauté.
Le groupe est composé de deux Chinois, trois Coréens, un Yéménite, un Afghan, un Egyptien, un Néozélandais parlant français Roger et Nga, notre accompagnatrice. Nous échangeons en anglais, of course ! Je sympathise avec Roger, un intellectuel baroudeur en congé sabbatique. Nous échangeons nos expériences vietnamiennes, assez concordantes. Habib l’Afghan m’invite à rejoindre le cercle des professeurs d’arabe.
Un séminaire agité par le cyclone Durian !
Vung Tau, du 4 au 8 décembre
J’y fais la connaissance de Marielle Rispail et Claude Comiti, enseignantes-chercheuses à Grenoble. Les travaux commencent le lundi mais sont bousculés par les dégâts provoqués – dans la nuit – par le cyclone Durian qui a ravagé la côte, détruit de nombreuses maisons et provoqué plus de cinquante morts.
Un spectacle d’apocalypse.
L’après-midi du mardi, nous avons pu reprendre les travaux et le congrès a pu se terminer dans de bonnes conditions. Les interventions se succèdent. L’ambiance est plus guindée qu’à Vientiane. Le discours souvent trop académique. Ma conférence sur « la formation initiale et continue des enseignants de français à Hanoi. Quelques pistes pour une meilleure professionnalisation à l’université » retient l’attention et suscite de nombreuses marques d’intérêt.
● Derniers jours à Hanoi
APEC et OMC : Je discute avec une collègue de l’adhésion du Vietnam à l’OMC et de l’effervescence qui règne en ville pour en grande pompe les chefs d’état de l’APEC (Asie-Pacifique Economic Corporation). Il paraît que Bush doit y venir. En tous cas, Hanoï est pomponnée, des massifs de fleurs surgissent chaque jour, des banderoles, des affiches. Le lac Hoan Kiem est entouré de photos géantes sur Hanoï aujourd’hui et hier. Les policiers sont très présents dans la ville et arrêtent les motocyclistes qui ne respectent pas les règles. Tâche difficile voire impossible
Vers Hoan Kiem : Les vitrines de la rue de la Soie sont toujours aussi tentantes. On se retient de ne pas tout acheter! Arrêt au bord du lac dabs un de mes cafés préférés pour boire une bière, manger une assiette de riz aux crevettes et admirer les lumières. J’ai vu Vipère au poing à l’Espace, pas un chef d’œuvre mais un bon moment… malgré les téléphones portables qui continuent à sonner, les bavardages, les talons des retardataires qui tapent sur le plancher. Quelle idée aussi d’avoir mis du parquet!
Initiation au serpent à Le Mat !
Le Mat, faubourg de Hanoi, de l’autre côté du pont Long Bien est réputé pour ses restaurants servant des spécialités de serpent : mon baptême de serpent! On nous installe dans un salon privé aux boiseries incrustées de nacre. Nous sommes venus à six mais le couple qui invite tarde à nous rejoindre. Curieux ! Après quelques minutes, un serveur dépose le cœur du serpent frétillant dans une jolie coupelle. J’ai la réponse au retard de nos hôtes. Ils étaient allés choisir le serpent à consommer, encore vivant. Le serveur a aussi posé devant chaque convive deux verres à liqueur, l’un contient un liquide très rouge, l’autre très vert. L’apéritif ? Bich me demande en riant si je vais boire avec eux. Je sens le défi dans sa voix. Pourquoi pas, oui, qu’est-ce que c’est ? Le sang et la bile du serpent. Je déguste ce qui a surtout une saveur d’alcool de riz ! Suivent plusieurs plats : nems de serpent, peau de serpent craquante, serpent sauté, os de serpent broyés… un vrai festival ! C’est délicieux !
Derniers cours
Adieux aux étudiants notamment à la classe d’excellence de e 2ème année avec qui j’ai beaucoup travaillé et qui m’a offert bouquet et mot d’adieu très émouvant. Derniers séminaires, repas avec la direction, les profs de 2ème année, les profs de littérature, les étudiants en master, les parents de Kim… et cadeaux. Toujours des cadeaux ! J’ai dû refuser des invitations, plus de créneaux libres.
On se reverra l’an prochain. Les projets n’ont pas été épuisés.
En guise de bilan
Je me félicite des changements de méthode intervenus mais je me pose beaucoup de questions sur la faisabilité et l’efficacité des leçons si on continue à vouloir aller trop vite et à découper les cours entre 4 professeurs pour une même classe.
La méthode de FLE Tout va bien vient d’être adoptée mais il faudrait accompagner son utilisation par les professeurs, les guider vers l’autonomie. Un des leviers est le développement des séances où j’observe les professeurs dans la classe et les conseille à la fin du cours : les échanges qui suivent ces cours sont un excellent moyen d’évaluer, discuter, modifier, améliorer les pratiques pédagogiques individuelles.
Autre levier : l’utilisation de l’outil télévision, des cassettes-vidéo, des CD et DVD en classe et hors de la classe pour améliorer l’écoute de la langue française et la connaissance de la culture et de la société française. Encore faudrait-il que l’accès à la Bibliothèque soit possible hors des heures de cours des étudiants.
1 Préfassienne 2004
2 Préfassienne 1999
3 Préfassienne 2003
4 Préfassienne 1999
5 Agence Universitaire de la Francophonie
6 Pôles Universitaires Français
7 Organisation Internationale de la Francophonie