Mission 3 – Chapitre 1
Des mariés et l’Amant
● Le mariage de Lan Phuong
Le voyage financé par l’Ambassade de France m’a permis de voyager en classe Deluxe où les places sont plus larges. Peu de places libres cette fois, il faudra donc cohabiter avec deux voisins. Vol tranquille. Je dors peu et je lis beaucoup. Plaisir des vols longs-courriers. Le Petit homme d’Arkhangelsk de Simenon, Dimanche d’août de Modiano et Clair de femme de Romain Gary. Des idées pour les séminaires.
C’est Hoa, responsable des relations internationales qui m’attend à l’aéroport. Où va-t-elle m’emmener ? Je crains de devoir loger à l’hôtel Mai Tam dont j’ai de mauvais souvenirs : chambre spartiate, accueil médiocre. Cette fois, je serai logée « chez l’habitant » dans une vaste maison où je dispose d’une grande chambre, d’une salle de bain au premier étage, où je peux utiliser la cuisine familiale. Mes hôtes m’invitent pour les premiers repas. Une autre chambre à l’étage est occupée par deux étudiantes chinoises venues apprendre le vietnamien. Le quartier est calme, on ne peut y accéder en voiture. Le mari de Hoa transporte mes bagages à moto depuis la voiture, à travers d’étroites ruelles. Je m’installe.
Dimanche 14 octobre – La mission commence par l’invitation au mariage de Lan Phuong, Préfassienne 2004 et fille de Ha et Bich professeurs au Département de français. Affluence chez les parents de la mariée. Lan Phuong est en robe blanche, à l’occidentale, maquillée, parée, mais reste dans sa chambre, attendant la venue du Prince charmant. Minh est un charmant jeune homme, chirurgien plastique à l’hôpital Saint-Paul et excellent joueur de ping pong. Il monte les deux étages qui conduisent à la chambre de la jeune mariée. Tous deux se recueillent à l’étage inférieur devant l’autel des ancêtres, accompagnés des photographes-ordonnateurs de la cérémonie.
Départ en minibus vers la maison du marié où nous attend sa famille. On nous offre le thé et les gâteaux. Les mariés s’inclinent devant l’autel des ancêtres. Phuong me montre la chambre nuptiale, puisqu’elle va venir vivre chez sa belle-mère. Surprise, la photo des mariés est déjà accrochée au-dessus du lit et toutes les photos du mariage sont déjà prises et présentées dans un album. Je bavarde avec des copines de Phuong et leurs « fiancés » puis nous repartons en minibus vers la salle de banquet proche de la place Hoa Binh.
Là nous attendent tous les collègues du Département de français. Je salue les un.e.s et les autres. Kim arrive avec sa copine Nam Phuong, anesthésiste à l’hôpital Saint-Paul. Retrouvailles ! Dès le lendemain, nous partons à Can Tho, pour un séminaire régional destiné aux « jeunes professeurs ». Rendez-vous à l’aéroport de Noi Bai.
● Hanoi – Ho Chi Minh Ville – Can Tho – 15 au 20 octobre
Le doyen Thuan m’a incitée à participer au séminaire de Can Tho pour que j’y intervienne comme formatrice auprès de jeunes collègues Vietnamiens, Laotiens et Cambodgiens. Je fais le voyage en compagnie de Kim et Canh Linh. Toutes deux sont professeures au département et se connaissent depuis le collège. Si je connais bien Kim, je découvre son amie que je n’ai pas encore beaucoup fréquentée car elle a eu deux enfants de façon rapprochée et était en congé de maternité.
Vers 13h, nous sommes à HCMV mais n’arrivons à l’hôtel à Can Tho que vers 19h. La route est longue, encombrée et interrompue au moment de franchir un bras du Cuu Long (le Mékong) où le pont s’est effondré. J’ai donc eu le temps de lire, bavarder avec mes amies, faire connaissance. Je retrouve de jeunes Laotien.ne.s avec qui j’avais sympathisé l’an passé à Vientiane.
Comme dans tous les séminaires, colloques ou congrès, l’intérêt des séances varie. Des interventions retiennent l’attention quand d’autres jargonnent. Les ateliers sont plus intéressants car les jeunes professeur.e.s osent y prendre la parole. Les pauses permettent de nouer de nouveaux contacts professionnels, d’échanger de manière informelle, de mieux comprendre le petit monde des expats.
Cette semaine me permet une meilleure appréhension de la situation du français dans les universités de la région et oriente mes axes de formation pour la mission qui s’ouvre.
Soirées libres – Chaque soir après les travaux, je sors avec un groupe de Hanoïen.ne.s qui deviendront mes ami.e.s, très proches pour certain.e.s. Les dîners sont joyeux. Je découvre de nouveaux plats vietnamiens car la cuisine du Sud a ses spécificités comme le banh xeo.
Un soir, nous partons en xe loi ou moto-calèche. Je suggère d’aller dans le centre ancien de la ville. Visite du marché datant de l’époque coloniale. Le xe loi est si amusant et rafraîchissant que nous décidons de partir en balade après le repas.
« Le concours culinaire » – Un autre soir, il faut attendre la fin de la panne d’électricité pour que les jeunes participant.e.s au séminaire puissent commencer à cuisiner. Six groupes sont en concurrence mais chacun recevra un prix !
Plat le mieux décoré pour les yeux du dragon (Groupe 1 de Hanoi)
Plat le plus délicieux pour les œufs renversés (Groupe du Laos)
Plat le moins cher pour les oreilles de cochon (Groupe 1 de Hanoi)
Plat le plus salé pour les nems (Groupe du Centre)
Plat le plus original pour … (Groupe du Cambodge)
Plat le plus simple pour les nems (Groupe du Sud)
Puis c’est le moment des danses et des chants, du karaoké. Et comme les autres soirs, les jeunes, jamais fatigués, filent à la discothèque. « Le congrès s’amuse »
Sur les traces de l’Amant – Un après-midi, nous avons quartier libre. L’occasion de découvrir l’ancienne maison de Binh Thuy qui a servi de décor au film de Jean-Jacques Annaud. Il pleut, le portail est fermé. Déception ! Non, la grille n’est pas verrouillée et nous pouvons au moins admirer le jardin d’orchidées… Quand arrive en trottinant une vieille dame qui monte les marches de la riche demeure à la façade ouvragée. Deux portes latérales encadrées de colonnettes et surmontées d’un tympan triangulaire. Fenêtres et portes fenêtres en plein-cintre, éléments de fer forgé, vaste escalier d’apparat à double accès, toit couvert de tuiles vernissées à la mode de Hué. Le bâtiment est composite et ne manque pas de charme.
Je suis la première à pénétrer dans la grande salle aux colonnes en bois de lim (bois de fer) et au mobilier typiquement asiatique. On imagine la prospérité des bâtisseurs.
La vieille dame s’adresse à moi en français. Elle appartient à la 7ème génération des Duong et habite dans un bâtiment à l’arrière. Elle va chercher le livre d’or où J.J Annaud a écrit et me demande de l’imiter. Elle m’invite à m’asseoir. Elle me demande mon âge, me dit qu’elle s’appelle Lien, qu’elle a 65 ans, que je parais bien plus jeune qu’elle. Je lui montre les photos de mon mari, mes enfants et petits-enfants. Nous parlons du temps qui passe. Surprise de mes jeunes amies lorsqu’elles me voient en conversation avec madame Duong ! Elles s’émerveillent de la beauté de la pièce, prennent des photos. Il faut partir. Lien semble émue, autant que je le suis.
Le marché flottant de Cai Rong – Lorsque nous quittons l’hôtel, il est 5h du matin, la nuit est noire. Grisaille sur le Mékong. Les riverains s’éveillent, se lavent les dents, font leur toilette. Les bateaux chargés de fruits et de légumes ont commencé leur ballet aquatique. Les perches-enseignes se croisent. Une banane croise une pastèque, une courgette se balance un peu plus loin. C’est la deuxième fois que j’assiste à ce pittoresque spectacle commercial. De petits bateaux accostent le nôtre pour nous proposer des mangues, des sandwichs, des boissons. Nous sommes de retour vers 7h pour le petit-déjeuner. Les travaux du séminaire commencent à l’heure.